Des jours, des semaines, des mois, des années qu'elle était ici, elle ne savait plus. Il y avait longtemps qu'elle ne comptait plus les heures, les longues heures à attendre, attendre, attendre. Puis subir. Maintenant, le temps filait entre ses doigts comme du sable doux, comme l'eau d'un océan dont elle ne connaissait pas la couleur, comme le vent qu'elle ne pouvait saisir dans sa paume. Il y avait longtemps qu'elle ne regardait plus les aiguilles tourner lentement, trop lentement à son goût, priant pour que tout cesse enfin. Il y avait longtemps qu'elle avait cessé de se préoccuper du temps.

Elle fixa le ciel, sans ciller, allongée sur l'herbe fraîche. Les brindilles lui chatouillaient les joues, une bourrasque ébouriffa ses cheveux fuchsias et une légère odeur de rose, entêtante malgré sa fugacité, envahit l'air. Elle détestait ce parfum acidulé et amer à la fois, cette fragrance au mauvais arrière goût de servitude. Elle détestait ce don, ces souvenirs douloureux à chaque fois qu'il s'activait contre son gré, elle détestait l'admiration béate des gens autour d'elle, enivrés par cet arôme capiteux, elle détestait leur regard perdu lorsqu'elle s'éloignait ou que l'odeur disparaissait subitement, elle détestait tout ce qui faisait ce qu'elle était.

Puis il n'y eut plus que l'odeur naturelle des arbres, de leurs fruits à peine mûrs et un mince sourire étira ses lèvres. Moment éphémère, instant passager, soulagement. Un rayon de soleil perça les feuillages, réchauffant doucement sa peau, son bras bandé, rappel incessant de sa vie d'avant. Un oiseau passa dans le ciel et elle lui suivit des yeux avec envie. Elle aurait tout donné pour être aussi libre qu'eux, étendre ses ailes à l'infini et voler, voler jusqu'à ne plus pouvoir, comme elle avait couru pour s'enfuir, couru jusqu'à ne plus respirer. Elle aurait tout donné pour une seconde dans le ciel, pour cette sensation d'ivresse qui la prenait lorsqu'elle s'imaginait au niveau des nuages, pour la sensation du vent directement sur les plumes de ses ailes. Elle aurait tout donné pour une seconde de liberté.

Elle soupira et ferma les yeux. Les étoiles, les astres, eux, partageaient toujours un bout de leur liberté avec elle.