« Mrrrr non Heisenberg, pas les pizzas, noooon. »

Virginie fit un genre de bruit bizarre, à mi-chemin entre un ronflement et le bruit que fait sophie la girafe quand on appuie dessus. Pouic pouic. Elle qui pouvait dormir n'importe où habituellement se réveilla avec un grand mal de dos et des brins d'herbe dans le nez. Elle était positivement sûre qu'elle ne s'était pas endormie dans l'herbe. Enfin, sûre à 70 %. Allez, 60 %. Donc décidément, quelque chose n'allait pas.
Quand elle se décida enfin à ouvrir l’œil, et qu'elle se trouva nez à nez avec une espèce de pâquerette, elle se dit que décidément quelque chose ne collait pas.

Elle se redressa, et perdit l'équilibre presque instantanément pour se retrouver les fesses par terre. Elle était. LEGERE. Elle était. FINE. Elle bondit sur ses pieds avec une grâce infinie (selon elle). Tenta de se regarder de tous les cotés, finit par courir vers le ruisseau qui coulait à coté, plongea presque la tête dedans pour admirer son reflet dans l'eau.

« Wow je suis trop bonne. »

Probablement une réaction normale. Elle passa sa main dans ses cheveux courts, se tata le visage comme un enfant qui découvre un truc génial, sautilla sur ses jambes. Complètement ahurie. Elle venait se faire téléporter dans la forêt et changer en fille sauvage absolument cool. Probablement un espèce de complot du gouvernement, ou des aliens, ou un truc du genre. Il fallait qu'elle le dise à quelqu'un, genre, tout de suite.
Elle tourna sur ses talons et détala le plus vite possible (découvrant au passage que ce nouveau corps était super rapide, elle l'adoptait définitivement), piqua un sprint légendaire jusqu'au village. Et se cogna à toute vitesse à la première personne qu'elle rencontra, se retrouvant de nouveau sur les fesses. Par terre.

« TU DEVINERAS JAMAIS CE QUI M'ARRIVE C'EST UN TRUC DE OUF. » elle gueula sans même voir à qui elle s'adressait.

hrp:

Heisenberg avait ouvert les yeux dans une pièce qui lui paraissait trop petite et dans un lit inconnu, avait fixé un plafond qui n'était pas celui du manoir. C'était le genre de choses qui ne lui était plus arrivé depuis qu'il avait arrêté de boire. Une bonne dizaine d'années en arrière. Du coup, il s'imagina tout de suite les pires scénarios. Enfin, ce qu'il crut être les pires scénarios.
Il posa un pied par terre, puis un deuxième, puis il se leva avec l’impression d'avoir pris de bons centimètres pendant la nuit. Mais surtout, il pouvait bouger les doigts de sa main droite, comme avant. Sauf que sa main ne ressemblait pas à sa main et sa cicatrice avait disparue. Il se précipita sur le premier miroir qu'il vit.

« C’est quoi ce bordel ? » Il avait des yeux bleus. Et une gueule de paysan. Mais pas n’importe laquelle. Il se tâta le visage, comme pour s'assurer que tout ça était bien réel. D’un coup il eut envie de vomir, mais ça lui passa. Il tenta un autre miroir, en désespoir de cause, mais évidemment, l’image qui lui fut renvoyée restait la même. Rien à faire, il squattait le corps de ce sale fromager. « C’est un putain de cauchemar. » Et si ça voulait dire que le fromager se retrouvait dans son corps à lui ? Et si c’était définitif ? Il eut à nouveau envie de vomir. Il devait en avoir le cœur net. Heisenberg ignora décemment son envie de pisser, attrapa un t-shirt propre et mit les pieds dehors, soulagé de constater qu’il se trouvait déjà dans le village.

L’ex-flic n’avait jamais marché aussi vite de sa vie. Il n’avait pas fait la moitié du chemin quand quelque chose se cogna contre lui en gueulant. Il crut d’abord reconnaître les bonnes manières de Virginie, mais quand il baissa la tête pour voir à qui il avait affaire, il se retrouva en face d’un visage inconnu. Avec des marques bizarres sur le visage. Et des vêtements étranges.

« C’est si dur que ça de regarder où on va ? » cracha-t-il sur le ton le plus aimable dont il était actuellement capable. Et sans savoir que sa crédibilité s'envolait en fumée à cause de tout le maquillage qui s'était peint sur son visage sans prévenir.

Elle leva les yeux, et fut complètement ravie de voir que c'était quelqu'un qu'elle connaissait. Gervita. Quoi qu'elle n'avait jamais vu Gervita la regarder aussi méchamment, mais bon, il ne devait pas la reconnaître, c'était pour ça. Il grommela un truc, d'un ton qui était étrangement familier, mais elle était trop occupée à fixer son visage pour rétorquer quoi que ce soit. Elle sentit les coins de ses lèvres tiquer irrésistiblement.

« Salut Gervita. Ça … ça fait … longtemps. »

Sa voix était entrecoupée par ses efforts monumentaux pour ne pas exploser de rire. Efforts futiles, elle se retrouva à se tordre le ventre par terre, quasiment hystérique. Parce que bon dieu, quelle idée de se mettre ça sur la gueule ! Bon, d'accord, Gervita n'était pas si mal que ça avec de l'eyeliner, elle en serait presque jalouse, mais l'air fâché qu'il essayait d'afficher ne collait pas du tout.
Elle tenta de se reprendre, des larmes de rire pointant aux coins de ses yeux. Elle se redressa et se leva, époussetant ses fringues étranges et enlevant une feuille coincée dans ses cheveux.

« Excuse moi, c'est juste. Oh putain. Enfin, ça te va bien hein. »

Ils se fixèrent du regard quelques secondes, et Virginie ne tint pas le coup, et repartit dans un fou rire, et dut poser une main sur l'épaule de Gervita pour ne pas tomber de nouveau. Elle en aurait presque oublié son but initial. Quand elle s'en rappela, elle claqua une main sur l'épaule qui la soutenait de toutes ses forces.

« Faut que je te raconte un truc qui vient de m'arriver, tu vas même pas y croire. »

Son explication fut coupée courte par un espèce de grondement dans son dos. Elle fit volte face pour se retrouver nez à nez avec un espèce de chien loup au poil blanc qui la regardait d'un air … méfiant ? Perplexe ? Peu importe. C'était un loup. Un loup dans le village. Les loups ça bouffait les gens non ? Surtout les filles, elle l'avait lu dans un livre. Elle poussa un espèce de petit cri et se retrouva dans le dos de Gervita, se servant de lui comme de bouclier humain, premier réflexe de survie, et commença à gueuler dans son oreille des trucs genre « fais quelque chose » et « oh on va tous crever ». Charmant.