Le brouhaha alentour semble être une terre que je ne peux atteindre. Embaumée par la colère, je reste hors du temps, hors de l'espace que partage le commun des mortels. Ce n'est plus une bulle mais une cage dans lequel cette société m'enferme. La insipide peur de me rassurer, l’irascible effroi de prendre parti, l'égocentrique hésitation de repaître son ego par la pitié se désagrègent face à l'indifférence qui emplit son cœur. Je me retiens de rire et ferme les yeux un instant. La présomption, la vanité, l'orgueil sont une chrysalide qui me protège. Je ne prétends pas tout savoir, par être une spécialiste de ce monde mais j'aime croire que j'ai le droit de m'acharner, de boire une goutte de son essence.
Pitoyable avocate que voilà. Fourmi bravache qui veut sortir de l'ordinaire, j'ignore superbement et narcissiquement ce qui m'encercle. Un soupir s'échappe. Des pièces tombent. Un souffle crée des frissons. Une veste glisse des épaules pour se retrouver sur le dos du siège. A nouveau, des rapaces observent, lorgnant, désirant mon départ. Je ris. Le tableau ne doit pas correspondre au standing. Il faut vendre. Règle d'or de tout bar. Alors venez donc me le dire que je suis une gêne. Je ne suis pas à ça près ! Un courageux inconnu paraît se muer d'une volonté de braver les barreaux qui me séparent du monde extérieur.
Hellhound. L'irrésistible envie d'entrer en joute verbale cinglante se remplace par un agréable étonnement. Un sourcil se lève. Des interrogations silencieuses fusent. Un visage qui se repose sur un poing, une voix qui percute le mur que j'ai forgé, tu joues avec mon attention, effrontée rousse. Une déclaration de guerre de petite envergure est proclamée. Cela m'amuse. Je ne réponds pas. D'autres vêtements quittent ma peau. Les seuls tissus survivants sont une jupe et une chemise allègrement transparente, merci la providence. La pudeur ? Je ne connais pas.
« - Hell. Tu sembles avoir bien saisi le portrait de cette pleutre in capable d'avoir de jugeotte. Mais je t'avoue que si je dois traiter ton dossier. J'ai plus de chance de perdre l'affaire et permettre à cette bourrique que tu sembles appréciée de savourer une victoire non méritée. »
Un silence et puis … :
« - Merci. »
Une main se lève, sommant un garçon de venir. Rougissant devant ma tenue aguicheuse mais provocante, il récupère la serviette détrempée et un petit pourboire. Le soulagement illumine son teint quand mon siège racle le sol, annonçant feu mon départ. Je récupère mes affaires, toujours pieds nus.
« - Voudrais-tu m'accompagner pour des fripes d'urgence, Hellhound ? Je te laisse le plaisir de choisir n'importe quel vêtement dans lequel tu veux me voir. Je n'aime pas faire du lèche vitrine mais autant se changer les idées.»[/justify]