Meantan ne fait rien. Meantan ne bouge pas. Meantan est assis sur cette souche pourrie dans la forêt. Très loin dans la verdure, si loin qu'il a oublié de quel côté se trouve le village. Il lui suffirait de déployer ses ailes et de s'envoler au dessus des arbres, il saurait alors tout de suite vers où aller. Mais en fait, il s'en fout des autres. Des pauvres, des riches, des laitiers ou des forgerons, des reines ou des conseillers. Des gens. Après le drame qui s'est passé à la cité, Meantan n'a plus pensé de la même façon. Il n'avait jamais vu la mort en face, et la découvrir de manière si brutale avait vraiment changé ses perceptions.
Cet homme qui cri, qui tombe. Le gargouillis, le sang, les rires d'un enfant, le regard excité, stressé, hautain, du public. Les êtres sont si fragiles. Le livreur qui voulait tellement apporter le bonheur à tous est parti. Ne reste plus que celui qui ne veut voir personne, ne plus parler, ne plus penser, ne plus fabriquer, ne plus marcher. Ne plus rien faire d'humain. Il voudrait – s'il le pouvait – quitter son enveloppe humaine, si laide, si inutile. Il ne peut pas. Alors, Meantan l'humain devient Meantan l'oiseau, et s'envole vers ses rêves. Ses rêves d'autrefois.

« Libre, tu es libre. » chantent les oiseaux.

Il bat des ailes, se dandine sur ses pattes, regarde ses pieds. Il ouvre le bec dans un pépiement de joie avant de s'envoler loin des rois. Il ne reprendra plus forme humaine. Il a peur des autres, il a peur que s'il redevient comme avant, la folie l'envahisse, le ronge, le tue. Oiseau, il ne craint rien. Il a les autres, il a la simple nature pour lui, à partager. Et personne pour la lui voler. Car on ne vole rien aux oiseaux.

Meantan est autant oiseau qu'humain, mais Meantan ne livrera rien demain.