Depuis la réouverture des frontières, les voyages ont repris entre les différents royaumes. De nombreux habitants de la Vallée et de la Cité de Yubaba viennent visiter les Landes. Les rues sont plus animées, les bars et restaurants reçoivent plus de monde, bref la ville semble un peu moins morose qu'avant. C'est vraiment appréciable, même si les journées deviennent de plus en plus froides et le ciel de plus en plus gris.

Je prends concience de cet afflux de population quand je me rends au marché cet après-midi là. De nombreux commerçants sont venus exposer leurs marchandises ce jour là, et beaucoup viennent des royaumes voisins. On retrouve les produits de luxe de la Cité de Yubaba, mais aussi les produits fermiers venus de la Vallée. Toutes ces nouveaux arrivants me réjouissent, car c'est la première fois que les frontières sont ouvertes depuis que je suis arrivée à Skies Kingdom. J'en profite donc pour passer devant le moindre étal, discuter un peu avec les commerçants, acheter deux-trois objets ici, deux-trois légumes par là...

Bientôt, je me retrouve les bras chargés de paquets, et je décide qu'il serait peut être temps de rentrer à la maison. De toute façon, le Soleil commence à se coucher, il est grand temps de rentrer.
Seulement, je ne vois pas très bien où je vais, tellement j'ai de sacs dans les bras. Plus précisèment, je ne vois pas où je pose les pieds. Je n'ai donc pas pu repérer le chat qui somnolait tranquillement sur les pavés. Je ne me rends compte de sa présence que lorsque j'entends le hurlement qu'il pousse au moment où je lui marche sur la queue. Surprise, je recule, perds un peu l'équilibre, et bute contre une sorte d'étagère métallique. Celle-ci se met à chanceler, et les objets disposés sur les différents rayons commencent à osciller dangereusement. En particulier ce vase en porcelaine, tout en haut...

Il penche à droite, puis à gauche, roule sur le côté, pour finalement basculer dans le vide.

De là où je suis, je ne peux qu'assister à la scène, le dos raidit en attendant le bruit que va faire l'objet en se fracassant sur le sol. Mais un cri sort quand même de ma bouche, en un piètre avertissement.


Mais je ne me fais pas d'illusions, je me doute bien qu'il est déjà trop tard, que le temps que quelqu'un réalise ce qui est en train de se passer, le vase sera déjà réduit en un petit tas de débris, sur le sol...

En rentrant chez elle, elle enleva ses chaussures et sentit un papier sous son pied. Elle l'attrapa et le sentit. Une odeur d'encre : quelqu'un lui avait écrit. Elle était bien embêtée, l'expéditeur ne devait pas savoir qu'elle était aveugle. Elle tenta de le lire du bout des doigts, mais de toute évidence ce n'était pas le genre de personne qui appuie comme un malade quand il écrit.
Ne sachant trop quoi faire, Tsukiyo remit ses chaussures. Elle devait demander de l'aide. Cela la gênait beaucoup, car elle ne voulait pas déranger et son indépendance en prenait un coup. Elle ne pouvait pas non plus demander à un inconnu, si c'était le message d'un client il pourrait y avoir des complications. Elle se dirigea donc en direction de la ville avec une adresse précise en tête.

Pendant tout le chemin, elle s'imagina les scénarios possibles : et si elle était occupé ? En train de dîner ? Et si elle n'était pas là ? Et si.. ?
Ses pensées furent interrompues par le cri d'un chat de l'autre côté de la rue. Des pas vacillants, le bruit de quelqu'un qui heurte une étagère métallique. Vivement, l'aveugle se dirigea vers le bruit, espérant ne pas arriver trop tard. Elle déploya plus encore son ki en avant pour mieux sentir les formes et l'espace, sans se rendre compte qu'un bout de papier était tombé de sa poche. L'étagère ne tomba pas, mais les objets n'étaient pas sortis d'affaire. Un des récipients roula, puis tomba.
« Attention, le vase ! »
En un éclair, la japonaise rattrapa gracieusement le vase. Elle se tourna ensuite vers ce qui semblait être une jeune femme ou une adolescente, d'après son cri, et lui demanda le visage impassible comme toujours, mais d'une voix douce :
« Vous ne vous êtes pas fait mal ?
-...*ta réponse*
-Yokatta desu. Voulez-vous que je vous aide à porter vos... » Elle sentit discrètement les paquets que la demoiselle tenait et reconnut l'odeur de légumes dans tous ça. « ...courses ? Elles semblent assez encombrantes. »

[Couleur : #333366]

Alors que je m'attendais à voir le vase se briser par terre, une jeune femme sort de nulle part et rattrape l'objet en l'air, avant de le reposer en douceur sur le sol, à côté de l'étagère. J'en reste bouche bée.

Waaa... comment elle a fait ça ?! Je n'avais même pas remarqué qu'elle était là !

Puis elle se tourne vers moi, me demande d'un air très calme si je vais bien, si je ne suis pas blessée. Et c'est là qu'un autre « détail » vient me percuter, quand je croise son regard.

Mais elle est... aveugle ?!

Donc non seulement elle a fait preuve de réflexes sur-humains, en se jetant ainsi vers le vase en quelques secondes, mais en plus elle a fait tout ça sans voir où elle allait ? En utilisant seulement son ouïe ? Je ne peux m'empêcher d'éprouver de l'admiration pour cette fille que je ne connais pas, et mon excitation me fait oublier dans un premier temps sa question.


Je n'ai même pas fait attention au ton que j'ai employé, qui est beaucoup plus familier que le sien, puisqu'elle me vouvoie. Mais je ne peux pas m'en empêcher, sa démonstration m'a tellement impressionnée que je ne sais plus ce que je dis. En plus, elle a l'air d'avoir à peu près le même âge que moi, donc je trouve ça plutôt naturel de la tutoyer. J'espère juste qu'elle ne va pas être froissée par ma familiarité...
Elle semble soulagée de ma réponse cependant, et me demande même si j'ai besoin d'aide pour porter mes affaires. Je saute sur l'occasion.


Je lui tends quelques-uns de mes sacs, m'excuse auprès du marchand (qui a dû avoir une peur bleue pour son vase), puis je commence à marcher, en compagnie de ma camarade. Trop curieuse d'en apprendre plus sur elle, je commence néanmoins par me présenter.

« Waouh, je n'en reviens pas ! Comment tu as réussi à rattraper ce vase ? J'étais persuadée qu'il allait tomber, se briser par terre, et toi, tu apparais, comme ça, et tu arrives à le récupérer ! C'est vraiment super impressionnant ! Ah et je vais bien, merci, et grâce à toi ! »

Tsukiyo pria pour qu'aucune rougeur n'apparaissent sur son visage. Elle était très embarrassée de la réaction dynamique de la jeune femme, d'autant plus que cette dernière la traitait de façon très amicale et familière. L'aveugle trouvait qu'elle exagérait, mais en même temps était un peu contente de ces compliments. Son talent pour les arts martiaux avait toujours été la seule chose dont elle tirait de la fierté, mais ici avec ses dons, ce talent s'étendait maintenant à bien d'autres domaines et surtout dans bien d'autres circonstances.
Maintenant, elle ne savait pas si son ton à elle était adapté, mais elle n'avait jamais parlé familièrement à quelqu'un et n'était donc pas très à l'aise avec ce registre de langage. Et puis ce n'était pas poli de tutoyer quelqu'un sans son autorisation, même quand celle-ci ne le faisait pas. Qui sait elle était peut être beaucoup plus âgé que Tsukiyo, ce qui rendait la chose tout à fait convenable; dans ce monde il était difficile de le savoir. Elle continua donc poliment :

« Non, ce n'était pas si impressionnant, dit-elle d'une petite voix avant de continuer plus fort, en tous cas je suis soulagé que vous alliez bien. Voulez-vous que je vous aide à porter vos...courses ? Elles semblent assez encombrantes.
-C'est très gentil de ta part ! C'est vrai que je vais voir besoin d'un peu d'aide pour tout porter, je n'ai pas fait attention et j'ai acheté beaucoup de choses aujourd'hui ! Et puis ça va nous permettre de bavarder un peu ! »

Tsukiyo attrapa les sacs tendus et attendit calmement, en apparence, qu'elle ait finit de s'excuser. En réalité, elle était complètement paniquée : elle voulait bavarder ! Mais de quoi allait-elle bien pouvoir lui parler !
En effet, la conversation n'était pas le fort de la japonaise, loin de là. Elle espéra très fort que sa nouvelle connaissance était bavarde, comme ça elle n'aurait qu'à écouter. Elle était très forte pour ça, et adorait écouter les autres parler, ça lui donnait l'impression de découvrir un nouveau monde. C'est drôle à quel point le même endroit était vu et vécu différemment selon la personne, c'était quelque chose que Tsukiyo avait appris en venant ici et en rencontrant de nouvelles personnes.

La jeune fille commença à avancer et Tsukiyo emboîta le pas. Elle n'attendit pas que le cœur de l'angoissé se prépare pour lui parler :
« Au fait, je m'appelle Smetana ! Et toi, comment tu t'appelles ? »
Pris de cours, elle n'en laissa rien paraître et s'inclina légèrement, comme le veux la politesse :
« Je m'appelle Tsukiyo, enchanté. »