Bon bah, voilà, Scrap marchait, sous le ciel gris. Rien de spécial vous me direz. Pour une fille qui ne sort pas souvent c'est peut-être pas commun mais dans le fond vous avez raison, il se passe rien de spécial. C'est surtout ce que la mécanicienne essaye de se dire. Elle sort, voir quelqu'un. Et ça, c'est rare. Ce qui fait qu'au final, c'est spécial.
Mais en fait non, tout le monde va voir des gens, alors c'est normal, en plus, elle y va juste parce qu'elle veut savoir ce que Rusl avait contre elle à la base. Bref, elle était embrouillée dans ses pensées, parce qu'en plus de tout elle allait à la rencontre de quelqu'un qu'elle n'aimait pas, et elle ne se sentait pas énervée. Ça l’agaçait, de ne pas savoir ce qu'il se passait avec son cerveau, c'était spécial.
Alors bon, elle marchait. Les mains dans les poches de son pantalon, sa veste et ses cheveux au vent, son écharpe multi colore autour du coup et la clope au bec. Et comme toujours, son expression calme mais blasée. Extérieurement elle est toujours blasée, quand elle ne fait rien.

L'endroit où elle devait se rendre n'était vraiment pas loin de chez elle, il devait être quoi … un peu plus de treize heure, de toute façon il n'y avait pas d'heure précise, elle était partie quand elle en avait marre d'attendre le moment de partir. Oui je sais c'est con, mais en fait, elle est impatiente des fois.
Rapidement, elle se retrouva à l'endroit indiqué. Pas loin de son fournisseur de tomates. Il n'y avait pas grand monde, aujourd'hui, et beaucoup de commerces étaient fermés. Pour une fois, elle pourrait prendre toute la place sur le banc, poser ses fesses, ne pas plier les jambes, garder ses mains dans ses poches, tirer sur sa cigarette de temps à autre. C'est ce qu'elle fit. Mais quand même, il avait beau faire super moche et gris, c'était bizarre qu'il y ait aussi peu de personnes dehors. Presque pas un chat. Juste des groupes de gens isolés qui passaient, ils devaient sortir, ou rentrer chez eux après un restaurant. Le ventre de Scrap gargouilla en pensant au mot « restaurant ». Pourquoi ? Elle n'avait pas mangé de casse-dalle sur la route, c'est tout. Règle numéro deux : toujours manger en déplacement. C'est quoi la numéro un ? Vous l'apprendrez un jour.

La brune solitaire frissonna sur son banc. Il y avait pas mal de vent aujourd'hui, d'ailleurs, ses cheveux en payaient les frais, ils tourbillonnaient dans tous les sens. Mais elle s'en fout Scrap, c'est que des cheveux. Par contre elle a un peu froid, peut-être qu'elle n'aurait pas du mettre un débardeur, pas ce débardeur blanc et fin, avec un dessin de hamburger dessus. Non, pas celui-là, justement, il était trop fin, trop inutile, c'est comme si elle était à poil sous sa veste, elle se les pellait grave en fait, en réfléchissant à tout ça. Puis elle pensa à Rusl, même s'il ne venait toujours pas et qu'elle devait poireauter là, une douce chaleur revint, d'où venait-elle ? Elle lui aurait bien collé un marron en travers de la face à celui-là. Scrap agite son nez, mécontente.

Alors, finalement, aujourd'hui c'est spécial ou pas ?

Il fut un temps où la vie de Rusl était plus simple. Une époque reculée où un jeune garçon avait paumé son ballon et était parti à sa recherche à travers tout son quartier. Sans succès, il s'était mis à pleurer. Le pauvre enfant en avait marre de marcher, il s'était dit que chercher ne servira à rien, que sa belle balle rouge s'en était allé pour toujours. Cette journée à été la seule où Rusl avait daigné se rendre utile pour un inconnu. Touché par la tristesse de l'enfant, ( se disant tout de même qu'il en avait marre de l'entendre brailler ) il se mit lui aussi à la recherche de " Son stupide ballon ". Tard dans la soirée, l'enfant devait rentrer chez lui, mais le mécanicien continua à chercher, pour enfin la retrouver coincé entre un buisson et une boîte au lettres, à même pas 2 mètres de l'endroit où le garçon pleurait. C'est depuis ce jour-là qu'il se méfie des enfants.

Pourtant, aujourd'hui, les enfants allait être nombreux pour le faire chier. Une femme a eu la superbe idée d'organiser l'anniversaire de son fils dans la rue, pile devant le logis de notre ami. De plus, cet ignoble gamin avait des tas d'amis qui bloquait le passage. Mais après tout, ce n'est qu'une bande d'enfant, il n'allait pas se décourager pour si peu. Il s'éclaircit la gorge, et commence à hurler d'une voix mélodieuse. Vous ne saviez pas que cela était possible, hein ? Pourtant, son cri rauque n'avait rien de laid, il était juste comme il faut. Assez fort pour que tout les enfants décident enfin de fermer leur clapet. Reprenant une voix normale, il annonce d'un ton posé :

" Excusez-moi, mais on m'attend dans un autre royaume et je ne dois pas traîner. Alors si vous voulez bien bouger vos sales pattes d'ici, je vous en serait très reconnaissant. "

Alors, sans un bruit, tout les enfants se poussent pour que Rusl puisse se frayer un chemin. Le respect, il faut l'avouer, c'est plutôt cool. Mais il n'avait pas que ça à faire. Il y a du chemin qui l'attend. Et comme ce voyage n'est pas du tout intéressant, je vais utiliser le coup de "ellipse" et passer directement à un moment moins chiant.

Nous nous retrouvons donc avec Rusl qui vient enfin d'arriver dans le quartier commerçant des landes de Calcifer. Il fait gris et moche, heureusement que Rusl s'est bien couvert avant de sortir. Oui, comme beaucoup de personnes, il a horreur du froid et aimerait bien qu'il fasse chaud en Automne, et souhaite qu'il fasse plus froid en été. Un perpétuel mécontentement. Quoi qu'il en soit, les lieux sont désert, comme si quelque chose se tramait... Rusl n'aime vraiment pas ça. Cette ambiance trop pesante lui fait penser au histoires qu'on lui avait raconté à propos des "films d'horreur" terriens. Il ne sont peut-être pas d'ici, mais au moins ils savent comment se faire peur. Ce qui est idiot comme concept après tout. A quoi sert une oeuvre faite pour s'effrayer soi-même ?

Peu de pas après, notre ami trouve enfin un banc où s’asseoir. Comme c'est crevant... Pour un peu il en oublierait la raison qui l'a mené ici. Il souhaite se faire pardonner de Scrap, il s'est rendu compte qu'il est vraiment allé trop loin. Même si l'idée n'est pas de lui mais de son enquiquineuse de mère qui se plait à lire son courrier quand il n'est pas là, il se doit de rester poli avec les gens...  

" Pff... Enfin ! C'est vachement long comme voyage. " ( Il tourne lentement la tête vers sa droite ) " En plus il fait moche et... AAAH ! Scrap ! Tu m'a fait peur ! Comment as-tu fait pour arriver là sans bruit ? "

Oui, quand Rusl se plaint, il ne fait pas vraiment attention à ce qui l'entoure. Il n'avait pas remarqué Scrap qui était pourtant sur ce banc depuis plus longtemps que lui. L'effet qu'il avait préparé a complètement foiré. Pas de bol...

Au bout d'un moment, Scrap a fini sa clope. Tant pis, elle s'en rallume une, au grand damne de ses poumons. Quelqu'un s'assit à côté d'elle. Sérieusement ? Alors que toute la rue était vide et qu'il y avait un banc totalement libre à quelques mètres ? C'était qui pour venir squatter son banc celui-ci ? « Mais c'est ce con de mécanicien ! Qu'est-ce qu'il fout, pourquoi il dit rien... » elle était un peu confuse, mais elle dit rien, fixant simplement son dos en attendant qu'il ne fasse quelque chose. Il parle tout seul, la brune se marre, haha, elle aurait pas pensé qu'un mec doté d'un si grand égo ne puisse se faire la discussion à haute voix. Oh, elle, elle se parle, mais pas comme ça dans la rue. Il tourne la tête, sa réaction à la vue de la fumeuse est plutôt drôle. Mais cette dernière n'arrive pas à l'apprécier, par comme ça, il l'avait trop énervé récemment. Sans un sourire elle lui dit, de sa voix un peu rauque, mais aussi douce en même temps.

« Je suis là depuis à peu près une demi heure, et moi aussi ça me fait plaisir de voir ta sale tête de poulpe. »

Non, au final elle sourit, à cause de ce qu'elle a dit, haha, tête de poulpe.
Bon, bouge toi le cul au lieu de te tordre le cou. Scrap sortit les mains de ses poches et s'assit en tailleur, pivotant pour se retrouver face à Rusl, complètement en travers du banc. Elle laisse tomber ses bras sur ses genoux, sa cigarette entre le pouce et l'index. Son sourire s'effaça, naturellement.

« Alors, t'es venu te faire pardonner c'est ça ? »

Et puis le vent souffla une bourrasque dans sa face, par la droite. Ses cheveux et son écharpe dansèrent la polka, tandis qu'elle ouvrait grand ses yeux, surprise. Piouf, un cheveux dans l’œil, un petit cris de surprise, un « putain ! » soufflé entre ses dents. Elle relève la tête, ses cheveux sont plus calmes, genre, sages. Son œil droit pisse des larmes, elle les essuie du revers de sa main et tire sur sa cigarette.
En soufflant vers le ciel, elle dit, fixant la fumée qui s'envole.

« T'as rien vu. »

Elle n'aime pas qu'on la voit se faire mal, c'est tout.

Après avoir enfin remarqué Scrap, Rusl remarque la cigarette. Scrap fume ! Quel horreur. Il ne supporte pas ça. Enfin, c'est pas si grave, elle mourra plus vite et ça fera un problème en moins. Le Yubabien a déjà des problèmes plus urgent que la mort de cette petite éfrontée. Comme par exemple la suite des evennements. Elle reste dans un brouillard épais et Rusl ne peut l'atteindre. En gros, il ne sait absolument ce qu'il va se passer ensuite car il n'a strictement rien à dire à Scrap. Oui, cette gentille lettre n'était que pure politesse, il se disait qu'elle lui lâcherais les baskets, qu'elle refuserait et que plus jamais ils ne se reverrait. Mais le destin à choisi autre choses pour ses deux jouets favoris.

Voilà desormais notre amie Scrap pile devant Rusl. Un peu gêné, il se crispe et fixe la fixe sans trop savoir quoi faire. Alors il attend qu'un miracle arrive. Et le voilà qui arrive sous la forme d'une bourrasque. Comme le vent arrive vers la droite, il se fait souffler aussi, mais sa coolitude ( ou plutôt la chance ) fait que rien de bien grave ne lui arrive, et ce n'est pas le cas de sa voisine. La voilà qui chouine pour un pauvre cheveu. Comme elle est ridicule ! Rusl se retient le plus possible de rire au nez de cette pauvre andouille. Et c'est là qu'il doit intervenir.

Heum... En fait, j'avais pas grand chose à te dire... Heum...

Pendant que Rusl hésite à lui sortir sa phrase, Scrap tire sur sa cigarette et écarquille les yeux. Elle ne retient pas sa surprise, et son énervement.

« Sérieusement ?! »

En parlant, elle souffle sa fumée dans la tête de son ennemi. Et elle a beau le détester, elle n'aime pas envoyer de la fumée sur les autres, même les fumeurs. Elle souffle le rester vers le ciel.

« Oups, pardon pour la fumée, elle se recule un peu et s'adosse dans le vide, croisant se bras sous sa poitrine, donc t'es venu jusqu'ici pour soit disant t'excuser et t'as RIEN a dire ? Mais … mais t'es... c'est trop débile ! »

Un rire moqueur suivit ses paroles, c'est vrai qu'elle le trouvait un peu stupide sur le coup. De toute façon elle pourrait se moquer de lui pour un rien tellement il l'énervait. Enfin, elle avait cette conviction qu'il l'énervait, il l’intriguait plus qu'autre chose, mais elle n'interprétait pas ça comme ça.
Bon, du coup, ils n'avaient rien de spécial à se dire. Ce n'était pas comme si deux amis partageaient un après-midi ensemble pour discuter. À la base c'était l'autre qui devait s'excuser. « De quoi déjà ? » pensa-t-elle. Elle fronça légèrement les sourcils en se remémorant la raison de sa venue. Elle avait envie de s'énerver contre lui, mais étonnement elle ne savait pas quoi lui dire. Et ça l'agaçait. Elle serra le poing gauche et décroisa ses bras, posant sa cigarette sur ses lèvres. D'une vue extérieure, elle avait la classe en fait. Bon, elle a toujours la méga classe de toute façon. Pour cause ; elle est mécanicienne.
Ah, tiens, mais Rusl aussi, normalement. Ça pourrait être un sujet de conversation … Non. Pas envie de discuter avec lui, qu'est-ce qui lui prenait. Elle ne dit rien et laissa quelques autres longues secondes s'écouler dans le silence. Pour le coup, ce silence, elle ne l'aimait pas, mais alors vraiment pas. Mais elle n'en plaça pas une, agrandissant le fossé entre les deux mécaniciens.

Scrap, elle avait froid et faim. Elle voulait rentrer. Mais … Non rien. Elle finit sa cigarette et l'écrasa sous sa chaussure avant de jeter son mégot au loin. Puis elle retourna la tête vers Rusl et lui annonça, d'une voix presque amicale sans qu'elle ne s'en rende compte.

« Bon j'vais pas me les cailler ici toute l'aprem, je rentre me faire du thé, t'en veux ? »

Trop bonne hôte, elle n'avait pas pensé avant de parler. Mais non ! Elle voulait pas qu'il vienne merde ! Elle se baffa intérieurement. « Putain mais tu peux pas fermer ta grande gueule parfois toi ? T'es trop aimable ma vieille ! »
L'air mécontente, elle fixait les prunelles dorées du mec en face d'elle, l'observant réellement pour la première fois. Cheveux bruns, mâchoire pas trop carrée, un peu de barbe, large d'épaules et plutôt musclé. Plutôt sexy en fait ... Plus grand qu'elle, aussi, genre, bien grand et elle qui reste petite et qu'on regarde d'en haut quand on est debout en face d'elle. Ummh. Pas question qu'il la regarde de haut, où qu'il la regarde tout court d'ailleurs.
Agacée, elle attendit sa réponse, purée, franchement, elle aurait pu réfléchir avant de l'ouvrir.

no prob, moi aussi des fois, c'est court, franchement la taille je m'en fout un peu en fait maintenant, ne t'imposes pas de limites niveau lignes .^.

Elle s'énerve. Fume. Souffle. S'excuse. Rit. Un grand vide. Et là, une proposition. Certes, ce n'est pas d'une grande classe mais ce n'est pas le plus surprenant. Scrap, la seule fille de l'univers qui ne peux pas le supporter ( cette phrase est totalement fausse mais il n'est pas au courant, donc chuuut. ) lui propose d'aller boire du thé chez elle. Est-elle devenue folle ? Cette question traverse l'esprit de Rusl depuis un moment. Hum, c'est louche tout ça. Trop gentil, trop serviable. Peut-être compte-elle mettre du poison dans son thé, qui sait ? En plus, avec son métier ingras, le fait qu'elle puisse faire correctement du thé dépassait l'entendement du jeune homme. Personne de fait de meilleur thé que Mémé. Mémé, c'est la voisine de Rusl, il allait souvent la voir quand il était gamin... Mais les histoires d'enfants ne vous intéressent pas.

Ce n'est pas très normal, mais en gentleman, il accepte la proposition avec un semblant de joie dans la voix. Il a drôlement hâte de madame montre ces compétences en... "thé-isation". Il se lève du banc, sens un coup de froid arriver. L'Hiver arrive à grand pas et Rusl n'était pas assez couvert. Enfournant les mains dans ses poches, il remarque que quelque chose ne va pas. Il y a un truc dans sa poche gauche. Intrigué, il tire dessus pour découvrir un bonnet de Père Noël. Mais qu'est ce que ça fout là ce truc ? Une petite étiquette est tombée du bonnet. Rusl se penche et l'attrape. Il lit à voix haute sans s'en rendre compte.

" Joyeux Noël, connard. ... C'est stupide, et puis ça veux dire quoi "noël" d'abord ? Encore du langage de gamin, il peuvent pas utiliser des mots normaux... Scrap, c'est toi qui a fait ça ? "

Joyeux Noël ! owo ( Promis je modifie le code plus tard ) ( Enjoy ) ( Joyeux Noël )

Scrap se mordait les lèvres de frustration. Elle fut étonnée lorsqu'il répondit presque amicalement qu'il la suivrait. Elle n'aurait pas pensé que ça se passerait comme ça. Et elle se dit, après coup « c'est bon coco pas la peine de te forcer, je sais bien qu'on s'aime pas » faisant la moue, pas vraiment réjouie qu’il vienne, finalement. Parce qu'elle ne savait pas quoi lui dire et qu'elle lui aurait bien collé un gnon juste pour le fun.
Elle éternua et grommela un disgracieux « putain ça caille » en se frottant les bras pour se réchauffer, ce qui la sortit de ses pensées. L'air qu'elle soufflait formait de petits nuages devant sa bouche, ce phénomène l'avait toujours fasciné, un petit sourire se glissa sur ses lèvres tandis qu'elle suivait des yeux un flocon finissant sa chute dans les cheveux de Rusl.

Scrap ne s'attendait pas non plus à la suite. Pas du tout. Rusl sortir un bonnet de Noël de sa poche – ce qui valu un haussement de sourcil chez la mécanicienne -  lu ce qu'était inscrit sur une carte trouvée avec le bonnet et fit l'erreur de se demander à haute voix ce qu'était noël. Oui l'erreur, parce qu'il était en présence de Scrap.

« Noël ? Tu connais pas Noël ?! »
Elle sentit un point froid dans sa nuque, elle leva la tête ; il commençait à neiger doucement, son visage s'éclaircit. « on est quel jour ? » pense-t-elle.
« Je n'ai plus aucune notion du temps depuis que je suis ici, elle plonge son regard dans le sien, les yeux remplis de joie, c'est déjà le 24 décembre ? »

Peu importe si Rusl, elle ne l'aime pas. Scrap est une vraie british. Elle est remplie de l'esprit de Noël de la tête aux pieds. Et elle ne peut pas rester sans rien faire en face d'une personne ignorante. Mettant toute sa mauvaise humeur au feu, elle sourit à Rusl, chope le bonnet qu'il tient pour l'enfoncer sur sa tête et prend sa main pour l’entraîner chez elle.

« C'est pas moi qui ai foutu ce bonnet dans ta poche, mais si tu sais même pas ce que c'est que Noël, j'peux pas te laisser sans rien faire, j'vais tout t'expliquer chez moi, amène-toi ! » lui dit-elle d'une voix enjouée, sans même le regarder, l’embarquant déjà en direction de son appartement. De toute façon, elle ne lui aurait pas laissé le choix.

Le trajet ne dura pas longtemps. Le pompon du bonnet sur sa tête dansait de gauche à droite à chacun de ses pas. Tout en marchant, Scrap ne dit rien, mais elle avait le sourire aux lèvres. Elle adorait fêter Noël, car elle pouvait faire plaisir aux gens qu'elle aimait en leur offrant une superbe soirée, accompagnée de joie et rires.
Arrivés à l'atelier, Scrap ouvrit la première porte en donnant un grand coup de pied dedans, entraîna Rusl à l'intérieur et referma la porte en frissonna, le vent glacé lui avait gelé les os tout le trajet.
Elle se retourne vers lui et lui demande d'une voix impatiente.

« Alors, t'es prêt ? J'te raconte ? »

Rusl n'aime pas l'Hiver. Au début, se promener dans les blanches allées était un réel plaisir. Mais depuis que les gens de cet autre monde étrange débarquent sur Skies Kingdom, l'Hiver à changé du tout au tout. Ils ont ouvert des magasins qui chaque Hiver se transformait en discothèques clignotantes. Parfois il y avait même des obèses qui tentait de ramoner des cheminées avec leur costumes rouges. Ridicule. Personne n'avait expliqué à Rusl le principe de cette fête terrienne qu'est Noël. C'est inutile, il ne la fête pas. Pourquoi promettre à un enfant une flopée de cadeaux lors de l'hiver alors qu'on économise bien son argent à ne rien faire ? Et aujourd'hui, Scrap, cette fille qu'il a du mal à supporter, se propose de raconter à notre ami tout ce qu'il y a à savoir sur Noël.

Elle l’attrape violemment, place le drôle de bonnet sur sa tête et file chez elle avec un Rusl ballotté de l'autre côté. Derrière eux, la neige tombaient doucement et une vieille dame les observent en souriant tendrement. Elle imagine quoi, encore, cette vieille peau ? Rien que d’imaginer ce à quoi cette femme imagine lui retire toute envie d’imaginer quoi que ce soit. Il suit le rythme et trottine derrière la mécanicienne en l'observant d'un regard interloqué, bien qu'il préfère concentrer son attention sur le pompon du bonnet qui se balance doucement sur sa tête. En chemin, il reconnaît le parcours qu'ils ont suivi lors de cette course folle contre des instruments de musique. En y repensant, Rusl se surprend à sourire bêtement. Reprend-toi enfin ! C'est le froid qui te fait dérailler.

Quand enfin ils arrivent chez Scrap ( le chemin lui a paru une éternité ), la personne en question défonce littéralement la porte d'entrée pour ce précipiter à l'intérieur. Rusl en profite pour s’asseoir sur une pile de bordel qui tenait droit, pile en face d'un truc étrange dont la provenance est inconnue. Excitée comme une puce, elle lui demande si elle peut commencer. D'un ton enjoué, presque amical, il lui dit en souriant :

" Va-y, dis moi tout ! "

Je suis pile dans les temps... hoho. Enjoy o/

« Vas-y, dis-moi tout. »

Soudain, elle ne sait plus par quoi commencer. Elle fronce les sourcils quand une rougeur presque invisible couvre ses joues. Elle n'a pas l'habitude de ne pas trouver ses mots. Mais bon, elle se lance, on verra bien ce que ça donne. Le début est hésitant, mais sa voix prend plus d'assurance au fur et à mesure qu'elle parle, faisant ressentir dans ce qu'elle dit l'amour qu'elle porte pour cette période de l'année.

« Au tout début, Noël c'est une fête religieuse célébrant la naissance d'un certain Jésus, fils de Dieu, paraît-il. Mais bon, moi je crois pas en toutes ces conneries, ça reste symbolique mais on va dire qu'on s'en fout. Quand je fêtait Noël sur Terre, c'était surtout pour passer un moment agréable avec tous les membres de ma famille réunis, pour faire plaisir à ses parents, ses enfants, cousins, enfin, tout le merdier tu vois. Un gros repas sur toute une table, avec les vieux comme les jeunes, ça crée des souvenirs et ça réalise les rêves des enfants. »

Un sourire nostalgique orne ses lèvres, elle semble regarder une chose qu'elle seule ne peut voir. Le passé sûrement. Elle se revoit gamine avec son frère et ses cousins, sous le sapin, à ouvrir tout un tas de paquets. Même quand elle était adolescente et grincheuse, elle a toujours passé de superbes moments en famille. Cette année sera différente. Elle ne fêtera pas, sûrement. Ou alors elle offrira une grosse mouche à son caméléon et un os à moelle à Médor s'il se pointe. En fait, peut-être qu'elle ne pourrait plus du tout fêter. Sans famille, Scrap se voyait mal organiser un repas de fête pour une seule personne.

Son sourire s’efface. Si on était bien le 24 décembre, dans deux jours aurait lieu l'anniversaire de mort de son frère, décédé dans un accident de ski il y avait quoi … quatre ans ? Elle ne savait plus, ne voulait pas se souvenirs de détails. Ni la vision de son frère sur son lit à l'hôpital, ni celle de son corps dans le cercueil, et encore moins celle de ses cendres qu'elle éparpillait aux quatre vents. Elle voulait oublier toutes ces images qu'elle avait de lui, et ne repenser qu'aux meilleures.
Elle relève la tête, ses yeux sont mouillés de larmes, sans qu'aucune n'aient coulé. Ça doit se voir, forcément, alors elle n'ose plus défier Rusl dans les yeux et baisse un tout petit peu son regard.

« Pardon je me suis perdue dans mes pensées. » elle lui sourit, oubliant un instant leur rivalité ; s'il n'avait pas été là, elle aurait peut-être commencé à chialer comme une merde.

Après un court instant, elle retrouve quand même son air enjoué de tout à l'heure – parce qu'on pleure pas devant ses ennemis, merde quoi – et plonge son regard dans les yeux dorés du grand con. Sa voix est plus gaie que précédemment, les larmes ont disparu.

« Bon sinon, t'as compris le principe du bordel ? Fête. Famille. Faire plaisir. Après je pourrais bien t'expliquer toutes les coutumes de Noël mais … ça prendrait un paquet de temps, parce que y'en a beaucoup finalement. »

Ses joues sont rouges, trop d'émotions en trop peu de temps, elle pose ses mains glacées par le gel sur les côtés de son visage et sourit doucement. Cette sensation de chaleur brûlante n'était jamais désagréable.

« Bon, à la base je voulais du thé. Tu veux qu'on monte ? Tu s'ras p'tet mieux là-haut que sur un pauvre ramassis de cartons. Elle rit. En plus y'a un fauteuil au fond là. » elle termine sa phrase en pointa le siège du doigt, le bonnet à pompon dansant sur sa tête dans le mouvement.

Quel drôle de fête, quand même. Mais Rusl s'en fiche presque de ce que raconte Scrap. Il se sent tout à coup plus léger, comme si une odeur alléchante traînait dans l'air. Doux, et hargneux. Un sentiment fort émanait de cette pièce sans qu'il ne puisse expliquer pourquoi ? Etait-il devenu empathe ? Non, impossible. Cette sensation était toute autre. Soudain, tout avait disparu. La seule chose que Rusl était capable de voir est le visage de son interlocutrice. À chaque mot qu'elle prononce, il a l'impression de sentir toute l'émotion de sa voix. Lui est-il arrivé quelquechose de grave lors de... "Noël" ? Soudain, il a l'impression de ressentir la même peine que Scrap, tout son désespoir. C'est vraiment très étrange. Son magnétisme avait peut-être embrouillé son cerveau. Réfléchir et les aimants ça va pas ensemble. Je crois.

Une fois qu'elle a terminée, elle a presque les larmes aux yeux. En tout cas, c'est ce que Rusl croit voir. Mais enfin, reprend toi idiot ! Tu dois te ressaisir, tu hais cette fille, souviens toi. Comment ça tu ne sais plus pourquoi ? Tu trouves ça idiot ? La ferme ! Rusl enfouit cette voix au plus profond de sa tête pour ne plus l'entendre. Mais même si tu cherches à le cacher, tu ne pourras pas le nier. Un jour ou l'autre, cette voix sera la tienne. C'est à cet instant que Scrap te propose d'aller à l'étage. Oui, pourquoi pas. Tu n'a même pas vu le siège derrière. Cette pile de cartons t'as plié le dos pour rien. C'est ridicule. Tu la suis, tranquillement, sans réfléchir. Tu observe ce bonnet si spécial qui te fait envie depuis tout à l'heure. Comme un enfant, tu le chapare en ricanant et le pose sur ta tête avant d'arriver enfin à l'étage. Cet endroit avait l'air beaucoup plus personnel que le rez-de-chaussée. Pas étonnant, c'est chez elle...

L'épreuve du thé approchait à grand pas. Alors, Scrap, meilleur que la voisine ?

Enjoy ! J'dis souvent ça du coup.

Ils montent, Rusl lui reprend son bonnet et l'enfile. Elle râle, parce qu'elle l'aimait bien, ce bonnet. En plus elle avait froid à la tête maintenant. Laissant Rusl découvrir l'étage du haut tout seul, la première pièce étant le salon et la cuisine, elle fonce vers sa chambre, y entre et ressort immédiatement avec un autre bonnet sur la tête, gris, tombant derrière, ses longs cheveux rentrés à l'intérieur à l'arrache. Le meilleur bonnet du monde. Elle va prendre son caméléon sur son épaule et se poste de l'autre côté du comptoir, souriante, naturelle. Elle ne sait pas vraiment pourquoi, mais elle n'a plus vraiment envie de lui en coller une, c'est passé, sûrement.

La mécanicienne sourit à l'autre, et, avec des gestes milles fois répétés, elle prépare du thé. Deux tasses, de l'eau, deux sachets, du lait, du sucre. Servi brûlant, la façon pour elle la plus simple et rapide de préparer sa boisson. En même temps, si elle a l'habitude, c'est surtout parce que de là où elle vient, pas de thé à dix-sept heures et la journée est un fiasco.

Enfin voilà, la fin approche, les deux ont un peu parlé, de rien en particulier, juste discuté. En début de soirée Rusl est retourné chez lui, Scrap lui a lancé un dernier sourire .

« À la prochaine...  »

Elle glisse le long de la porte et reste là un peu, à penser. Faire le bilan de cette journée. Trop de pensées lointaines, trop d'émotions différentes.
Épuisée sans avoir rien fait de sa journée, elle s'est écroulé dans son lit et a dormi toute la nuit jusque tard le matin suivant.

End.