Maman ? Maman ? C'est quoi déjà rêver ? C'est quoi déjà, vivre, être insouciante, rire chaque jour et être heureuse ? Toi tu l'as oublié. Le temps où tu étais insouciante, rieuse et heureuse tu les as déjà oublié. Ils ont disparu avec les guerres. L'insouciance avait disparu avec le bazar de ton cabanon, avec tes promenades en sous-vêtements, tes cheveux roux et Badaboom.

La disparition de ta poupée t'avait ravagée. Durant des jours, des mois, tu n'avais plus rien fait. Tu t'étais plongée dans une sorte de transe, une léthargie infatigable où tu étais pourtant si fatiguée. Mais maintenant, ça allait mieux. Ta vie avait repris.

Mais pas comme avant. Toujours pas comme avant. Tu avais vieilli, mûri. Tu étais devenue adulte. C'était fade, quand même. Enfin, tu ne pouvais pas dire que tu n'étais pas heureuse. Non, pas du tout. Mais ce n'était pas le même type de joie qu'avant. Désormais, tu avais conscience de la cruauté de l'être humain. Et tu en avais souffert. Mais désormais, tu voulais réparer ça, compenser par ta propre bienveillance.

Aujourd'hui, tu as rendez-vous avec Rusl, un garçon que tu as rencontré à Yubaba, pendant ton rétablissement. Toi qui te baladais en sous-vêtements dans ta maison, tu enfiles un pantalon. Pas de tee-shirt, tu n'es toujours pas complètement habituée. Ta maison, elle, cependant, est rangée. C'est un changement majeur chez toi. De l'eau bout aussi, pour faire du thé avec des herbes que tu as ramassé dans la forêt. Tes dreadlocks sont bleues turquoises aujourd'hui, et tombent au creux de tes reins. Tu ne t'étais pas coupée les cheveux depuis deux ans.  

Avec le peu d'indications que tu as eu ( ou du moins dont tu te souviens ), tu as vraiment galéré pour trouver cette maison. Elle pouvait pas habiter en ville, avec les autre ploucs du coin ? ...Non, reprend toi, tu n'est plus comme ça désormais. Tu ne critiques plus les autres et tu es sympathique. Tu es venu discuter avec une amie. Cela fait longtemps que tu n'es pas venu voir une connaissance, trop occupé à chercher tes parents pour au final découvrir la triste vérité.

Tu frappes à la porte doucement, comme si tu ne voulais pas déranger ce morceau de bois qui avait l'air si tranquille, et tu entres sans vraiment te demander si tu va tomber sur une situation gênante. Aspirine, avec ses dreads bleues qui font mal au yeux tellement ça brille n'a pas l'air vraiment étonné d'être en sous-vêtements devant les autres alors tu te dis qu'il n'y a pas de mal. Avec un geste de la main, tu la salues

" Salut Aspi, ça va ? Tu sais que tu vis vraiment dans un trou paummé ? Tu devrais te rapprocher davantage. "