Exploration [Libre]

Quand il y a un quelconque problème, tu es obligée d’être là et de fourrer ton nez partout. Même si ça a l’air risqué et même si tu as dû faire des pieds et des mains pour réussir à entrer dans le palais des bains.

Tu t’étais levée ce matin et avais entendu parler de l’explosion. A vrai dire, cet événement t’importait peu, hormis le fait que l’on aurait pu penser à la fabuleuse crieuse publique de Yubaba pour l’annoncer. Ta bourse est mal garnie et tu commences déjà à t’endetter auprès d’un disquaire. Au moins, avec la fermeture des frontière, tu n’auras pas à lui envoyer la moindre piécette.

Mais il y avait plus intéressant. On racontait que les ouvriers avaient trouvé des ossements sous le palais de bains. Il va s’en dire que, ni une ni deux, tu avais sorti un papier et un crayon pour mettre au point ton « fabuleux plan de détective ultra-génial qui allait trouver la vérité avec un grand V ». Rien que le nom de ce plan respire la classe.

En fait, la seule chose qui puisse respirer la classe est bien ce titre puisque tu ne connais pas du tout l’intérieur des lieux, et cela risque d’entraîner quelques soucis pour le bon déroulement des opérations. De plus, tu n’as normalement pas le droit d’approcher de près ou de loin du mystérieux souterrain.

Mais tu l’avais fait car, comme d’habitude, il fallait que tu te laisses guider par ton excédante curiosité. Comme d’habitude, tu ne t’étais pas posée beaucoup de question. Tu as revêtu une apparence banale d’homme bien bâti qui se fondait dans la masse des ouvriers qui attend, oisifs, au rez-de-chaussée que quelqu’un leur redonne du travail. Ils sont tous assis là, fumant, jouant aux cartes… Tu détonnes tout de même dans ce groupe, debout, furetant dans chaque recoin pour trouver un accès aux souterrains. Demander à un de tes « collègues » aurait l’air malvenu aussi cherches-tu du regard quelqu’un d’autre qui n'ait pas l’air à sa place dans cette masse d’ouvrier.

A l'aventure.

Curiosité curiosité. Ô toi grande amie haïe : où m'as tu donc amené ?
Simple lettre d'Erwin le Conseiller à la Reine Rose et me voilà arrêté à la mauvaise case : le rez de chaussé. Jamais passé par ici, le toit est plus confortable pour décoller. Mais, ce bruit, ce murmure et ce mouvement : les ouvriers attendent leur travaille et les sous-sols osseux, catacombes comme je les appelle, m'attendent. Comment résister à l'appelle, quand tu me susurres tes mots douceâtres aux oreilles, Ô curiosité ?
Planté au rez de chaussé, les ailes ballantes, la sacoche vide de courrier... Y aller ?

Aventure me voilà.

S'il y a une personne qui n'est pas à sa place ici, c'était bien lui. Tu t'approches à loup, tentant de te fondre dans la masse des ouvriers pour éviter de te faire remarquer. Tu l'observes, tes yeux, auparavant bleus verts mais désormais d'un brun ignoblement banals, écarquillés, guettant le léger balancement de ses majestueuses ailes en retenant ton souffle. Tu te plaignais souvent de ne voir que des dons trop sérieux mais là, tu restes absorbée, hypnotisée...

Tu hésites à t'avancer, chose peu habituelle chez toi. Peur de l'arracher de son apparente torpeur? Sans le doux mouvement de ses ailes, il t'aurait rappeler une statue grecque, celle qu'on regarde avec ennui dans notre livre d'histoire mais qui nous saisisse lorsque l'occasion de les voir en vrai arrive.

Cependant, tu sors de ton engourdissement et approche, de la démarche éthérée des enfants, contrastant avec ta stature. Tu es tout près maintenant, et pourtant, tu hésites... Dois-tu tendre la main pour toucher son épaule? Au risque de frôler ses ailes? Tu la recules donc d'un geste brusque et préfères parler, doucement, d'une voix rauque qui te surprends toi même:

S'il vous plaît? Que faites vous ici? Savez-vous que le chantier est actuellement fermé et que les visiteurs ne sont pas tolérés?

A l'aventure.

Un mouvement inadéquate. Une stature étrange. Une voix artificielle.
L'homme n'est pas net.
Je lui souris pourtant. Sourire simple, sourire doux. D'une voix innocente : "Comme vous pouvez le voir Monsieur, je ne suis techniquement pas sur le chantier mais juste à l'entrée de ce dernier. Les voyeurs eux ne sont pas proscrits."
Evidemment, pas si simple d'accéder à l'aventure. La Reine Rose m'en voudra, aucun doute, mais trop d'affection pour une punition réelle... Ô curiosité, que me fais tu faire ?
Un air entendu et un murmure de complot : "Vous n'êtes pas curieux Monsieur ? Les Sous-Terrains, toute cette histoire osseuse ? J'en ai des frissons d'excitation, pas vous ? Allons, aidez-moi un peu : c'est par où ?"

Evidemment, s'il était doté de la même curiosité que toi, il n'allait pas se laisser éconduire ainsi. Ses paroles te plaisent. Tu n'aimes pas ceux qui fléchissent, se laissent faire, ne tentent pas d'aller au bout de leurs objectifs. Visiblement, tu as trouvé quelqu'un qui a les mêmes ambitions que toi.

Les frissons. Depuis que tu as entendu la rumeur, tu les ressens à chaque fois que tu te rapproches de ton but. Et là, un frisson de parcours, ébranlant ton grand corps, pourtant encore trop petit pour contenir ta soif de découverte.

Tu lui fais un signe de la main en chuchotant: "Suivez moi", comme s'il était un enfant de ton âge avec qui tu partages des secrets puérils. Mais aujourd'hui, c'est sérieux, vrai. Peut-être même une affaire d'état. Dans ce cas, ce serait bien la première fois que la politique suscite le moindre intérêt.

Vous avancez jusqu'à l'ouverture béante des souterrains. Des gardes sont postés de part et d'autre, n'osant pas tourner la tête pour observer de plus prêt ce qui les fait bouillir de curiosité. Un autre obstacle vous sépare de l'objet de votre quête: des barrières entourent le lieu. Elles seraient si simple à franchir, mais, sous les yeux des gardes, cela paraît une épreuve bien difficile. Un petit soupir s'échappe de tes lèvres en lâchant un: "Nous y voilà".

A l'aventure.

Aucune hésitation, aucune simagrée, aucun détour : nous y voilà, l'entrée de l'aventure.
Cet homme est définitivement étrange.
Des gardes : c'est à moi. Un sourire malicieux aux lèvres, regard de conspirateur. La main dans ma besace je saisis mon jouet. Quelques contacts dans le métier m'ont offert ça.
Les gardes nous ont vu, qu'importe ? Ça n'en sera que plus amusant.
Un éclat de verre par terre et un épais nuage fumant et puant enveloppe le rez-de-chaussé en un battement d'ailes. Et en un battement d'aile je suis de l'autre côté des gardes, dans la zone interdite, avec l'homme incohérent.
Un battement de plus. Nous voilà bien loin des cris et de l'agitation causés pas la bombe puante.
Reposant l'ouvrier, sourire fier de petit garçon farceur : "Nous y voilà Monsieur. Qu'en pensez-vous ? Nous devrions avancer pour garder notre avance"
Oui, un compagnon d'aventure. Plus amusant. Puis cet homme est un mystère à résoudre, hors de question de la laisser s'échapper sans avoir découvert son secret. Car il en a un.

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