Les rues du village semblaient agréablement animées, vivantes, éclairées par quelques rayons solaires filtrant à travers les nuages cotonneux. On entendait les hommes rire trop fort, les enfants jouer dans la rue, les conversations qui allaient bon train et parfois, un marchand qui essayait d'attirer quelques passants. On avait mis des robes plus légères qui virevoltent dans le vent, retroussé les manches, rangés les pulls qui tiennent trop chauds, sorti les chapeaux et les paniers pour se promener. On s'attardait soudain un peu plus facilement aux croisement, restant dehors à respirer l'odeur de la nature en fleur qui se réveille, de l'herbe fraîche, du pain encore frais et des épices du marché.

Tu refermas précautionneusement la porte de l'arrière boutique derrière toi, entendant vaguement Apollino accueillir avec son éternel sourire et sa chaleur franche les différents clients. Quelques billets dans la main, tu descendis les marches en pierre pour rejoindre la rue et t'engageas d'un pas tranquille à l'ombre des bâtiments dans la petite ruelle. Tu te mêlas à la fou, parcourant les chemins que tu connaissais si bien pour les avoir si souvent parcourus : aujourd'hui, Apo avait dit qu'il fallait que tu ailles acheter deux sacs de farine. Et comme tu écoutais toujours Apo, il t'avait donné l'argent et tu étais partie. Mais, si tu abordais ton petit air sérieux, le soleil te réchauffait la peau et tu respirais avec bonheur l'odeur de la verdure, d'une jolie journée de juin comme nous n'en avions pas eu depuis longtemps. Parce qu'il y avait dans la Vallée du vent ce contact à la nature, ces paysages bucoliques et tranquilles qu'on ne trouvait pas ailleurs.

Tu saluas poliment l'homme qui avait été un très bon ami de Salvatore fut un temps, lui tendis l'argent et pris ta charge sur ton épaule minuscule en le remerciant comme on te l'avait bien appris. Tu repassas par le petit pont par lequel tu étais passée à l'aller, tournas deux fois à droite et fis un léger détour pour traîner encore un peu à l'extérieur. Les beaux jours s'étaient faits rare et tu n'avais pas non plus l'occasion de t'attarder trop souvent sur les chemins sinueux qui se perdaient dans la verdure du royaume. Le soleil t'aveuglait ou peut-être avais-tu la tête un peu ailleurs, un peu dans les nuages, à quelques centaines de mètres du sol. Tu entendais vaguement le bruit de tes pas, un bruit régulier comme la pluie. Droite, gauche, plic, ploc, boum.

Boum ? Tu venais de rentrer dans quelque chose ou plutôt quelqu'un alors que tu relevais tes yeux grenades : tu ne voyais pas très bien avec tes deux sacs de farine sur l'épaule et le soleil dans les yeux. Tu reculas d'un pas, l'air un peu hébétée, un peu surprise, endormie par ce qui était presque un réveil brutal, comme si les informations s'étaient perdues avant de rejoindre ton cerveau.

« T'excuses pas, surtout. » Il a les cheveux blonds safrans qui brillent dans la lumière solaire, comme ceux d'Apo, blonds miel, blonds or, blonds trésor. Mais, le ton plutôt rude te laisse parfaitement imaginer qu'il n'est pas de bonne humeur. Oh, il te fait même un peu peur : juste cette voix sèche qui te reprenait avec violence et ces cheveux solaires qui se perdent dans le ciel sans nuages, l'odeur de la farine dans le nez, quelques-unes de tes mèches rousses qui ruissellent sur ton visage et finalement, tes lèvres toujours muettes. Tu tressailles, réalisant que tu ne t'étais toujours pas excusée comme il fallait, comme Salvatore te disait de faire. Tu n'aimes pas désobéir à Salvatore, même s'il n'est plus là pour te tapoter la tête de sa grosse main abîmée avec son rire tonitruant.

« Je...Désolée. » Tu souffles de ta petite voix de gamine timide et tu abdiques comme le bon petit chien que tu es, le petit soldat en plomb qui ne dit jamais rien. Tu détournes les yeux, tu hoches docilement la tête et tu exécutes tête baissée si c'était quelqu'un que tu aimes qui te le demande, même te jeter d'un pont. Tu n'aimes pas désobéir aux gens, tu n'aimes pas qu'on te remarque, tu as toujours été un peu lâche et peureuse. Cela a toujours été plus simple de rester cacher derrière Apo et ses sourires soleils qui brillent très fort. Tes doigts se crispent sur ta charge qui devraient t'écraser sous son poids. Tu n'es pas à l'aise, ce type te met mal à l'aise.

Il te semble grand, même s'il ne l'est pas tellement, par exemple, tu pourrais parier que Baldr est encore plus grand mais, c'est comme s'il pouvait t'empoigner et t'envoyer valser. Tu l'as poussé un peu trop fort, il n'a pas l'air aussi commode que les clients de la boulangerie, c'est normal qu'il soit en colère. Peut-être. Tu ne sais pas. Il te rend nerveuse. Vraiment nerveuse. Et l'on t'attendre à la boulangerie, il ne faudrait pas que tu tardes trop. Tu jettes un regard derrière lui, sur le chemin, tu le regardes puis tu jettes un autre coup d'œil derrière. Il t'intimide, tu n'oses pas bouger. D'habitude, les gens te sourient et te disent que ce n'est pas grave, tout doucement. Mais, ce n'est pas comme d'habitude alors tu n'es pas très sûre de la façon dont tu dois procéder.