- Mesdames, Messieurs ! Approchez, approchez, n’ayez pas peur !

Combien de fois avait-il répété ce refrain ? Il ne le savait plus. Toutefois, il s’était fait plus discret ces derniers temps, et ces ennemis d’antan, si ennemis il y avait, devaient depuis avoir oublié son visage. Les élections, les traités, tout cela n’était pas pour lui. Il avait évité les foules et les villes et venait tout juste de revenir à la civilisation. Les poches vides, bien entendu.

Aujourd’hui, il était magicien.

- Trouvez la Dame et vous gagnez !

Il n’avait pas grand mal à attirer du monde, avec son sourire aguicheur et son regard enthousiaste. Un petit groupe formait déjà un cercle autour de lui.

- Vous là, mademoiselle ! Que diriez-vous d’un petit jeu ? Oh rien de bien méchant je vous l’assure… Vous m’avez l’air douée.

Elle semblait dubitative.

- Vous ne me croyez pas ? Allez-y, essayez donc, juste pour jouer, sans miser ! Vous verrez !

Ça marchait à chaque fois.
Nightingale posa les trois cartes découvertes sur la table, deux rois noirs et la Dame de Cœur, avant de les retourner.

- Il suffit de trouver la Dame, et le tour est joué !

Bien entendu, c’était toujours simple au coup d’essai. Et parfois pour les petites mises il ne se donnait pas la peine de se discréditer. Mais le reste du temps…

H-RP:

Il avait tapé juste et la jeune femme se prenait au jeu ! Tant mieux : si une âme candide et innocente montrait l’exemple et s’en tirait à bon compte, les autres suivraient.

Il retourna la carte qu’elle avait désignée avec un grand sourire.

- Bien joué !

D’un geste vif, il attrapa d’un coup les trois cartes avant de les mélanger.

- Le reste devrait être une promenade de santé pour vous !

Il se tourna vers le reste de la foule.

- Est-ce que certains d’entre vous souhaitent miser sur la demoiselle ?

Un monsieur un peu gras se balançait sur ses deux jambes, hésitant. Ahlala, c’était encore plus simple que la pèche à la mouche !

- Monsieur ! N’hésitez pas, c’est votre chance ! Je suis sûr que Mademoiselle écoutera vos conseils si jamais vous doutez !

A ces mots, il lui adressa un clin d’œil, comme pour lui signifier qu’elle faisait partie du numéro. Ce qui était bien plus le cas qu’elle ne devait l’imaginer. Coupant court à son dilemme intérieur, l’homme s’approcha de la table de fortune en se dandinant.

Les badauds gagneraient amplement à se demander quel était l’intérêt d’exercer un pareil métier si l’illusionniste n’y gagnait pas son beurre… Cela leur éviterait peut-être de se faire plumer comme des pigeons la prochaine fois. Mais bien entendu, Nightingale gardait ses conseils pour lui, et il venait à nouveau d’étaler les cartes sur la table…

Nightingale prit quelques instants à réaliser ce qu'il s'était passé. Il s'apprêtait déjà à déclarer d'un ton légèrement théâtral qu'elle était décidément bien chanceuse, mais la carte retournée lui fit changer d'air. Le Roi de Pique. Ben voyons.

Il scruta un bref instant le visage de l'inconnue tandis que le gros passant s'éloignait en ronchonnant. Elle l'avait fait exprès, il en était plus que certain. Il eut un regard courroucé, comme si on l'avait blessé dans son honneur. Il exagérait systématiquement, il n'y pouvait rien.

A présent la petite foule commençait à se disperser, allant chercher une meilleure distraction. Brillant ! Et comment mangerait-il ? Il siffla froidement entre ses dents :

- Je vous remercie, vous venez de chasser mon déjeuner.

Si quelqu'un avait assisté à la scène, la réaction de l'illusionniste aurait sans doute semblé disproportionné, mais lui savait que tout cela avait été voulu. Et de toute façon il changerait d'humeur dans quelques instants en trouvant un autre moyen d'assurer sa pitance.

Plus personne ne paraissait intéressé par ses cartes désormais, et il haussa les épaules d'un air boudeur avant de les ramasser d'un seul geste. Il garda seulement le Roi de Pique en main, puis jeta un œil à la jeune fille, qui ne s'était pas encore éloigné.

- Le Roi de pique hmm ?

H-RP: