Un bocal dans un parc.
Mais que.. ?
Après un moment de surprise, Kanou se rapprocha. Qui avait bien pu abandonner ces pauvres petits poissons rouges au bord d'un parc comme ça ? En fait il ne se posait même pas la question, les humains c'est tous des pourris, ou presque... Il aurait bien voulu les ramener à la maison mais... comment on s'occupe de poissons d'abord ? Et puis, ce serait un fardeau de plus pour sa mère. Avec cette guerre, c'est vraiment pas le moment.
Il toucha le bocal distraitement, les poissons se regroupèrent près de son doigt, comme pour lui faire un bisou. C'est vraiment pas le moment...

Elle avait rien fait de mal, juste refusé de prendre part au combat. Qu'est-ce qu'il y avait de mal à ne pas aimer la violence ? Qu'est-ce qu'il y avait de mal à vouloir protéger son fils ? A ne pas vouloir le laisser seul ? Kanou ne comprenait pas pourquoi on ne la laissait pas tranquille... Il aimerait être plus grand, pouvoir la défendre contre tout, gagner de l'argent, et partir de cette maison cauchemardesque.
Bien sûr, sa mère aussi, la passive Ana, voulait changer les choses. Elle non plus n'aimait pas la façon dont les exilés étaient traités. Elle aussi voulait de meilleures conditions de vie... C'est quand elle pensait à l'avenir de son fils sur ses terres arides qu'elle se sentait le plus mal. Déjà qu'elle pouvait à peine s'occuper de lui à cause du travail.
Mais lui, il ne pensait qu'à elle. Il s'en foutait de lui-même, il était déjà cassé. Il avait vécu toute sa vie ici, et mieux, il avait été heureux quand son père était toujours vivant ! Alors, sortir de la terre des noiraudes, c'était pas si important. Juste, si seulement sa mère pouvait se reposer un peu, avoir une vie meilleure...

Mais trêve de rétrospective, revenons à nos poissons.
Bah, en fait pas tout à fait. Parce que pendant que Kanou se demandait comment il pouvait sauver sa mère et ces poissons, une ombre silencieuse s'approcha derrière lui.

« Youhou ! » s’exclamait Schrödinger en glissant le long du toboggan, les bras en l’air, un sourire béat sur le visage. «Youhouhouhou ! » répétait-il lors d’une autre glissade. Il était arrivé au parc une heure plus tôt environ, avait posé ses poissons et son fatras dans un coin et n’avait cessé depuis de glisser. Il s’amusait comme un enfant, insouciant. Il ne savait pas ce que faisait ce parc dans un lieu aussi perdu mais en était bien content et comptait bien en profiter.

Toutefois, son insouciance fut brisée. Debout en haut du toboggan, alors qu’il s’apprêtait à courir tout le long, debout, comme sa mère lui avait toujours interdit de faire, il le vit. Un vil petit être, peut-être un nain maléfique, tout prêt de ses poissons. Les battements de son cœur s’accélérèrent. Qu’est-ce que cet étrange individu faisait à ses fidèles compagnons aquatiques ? Et si  Willie, qui était si sensible ces derniers temps, se suicidait en voyant le nain ?

N’écoutant que son courage, Schrödinger tomba du toboggan en une magnifique pirouette. Puis, n’écoutant que sa raison, il décida de s’avancer à petits pas vers le malfrat. En s’approchant, il remarqua qu’il s’agissait d’un enfant. Il ne se laissa pas attendrir pour autant : il avait lu Les malheurs de Sophie et se souvenait de l’épisode où la gamine salait et découpait les poissons de sa maman. Arrivé juste derrière l’enfant blond, il posa d’un coup sa main sur son épaule tout en grondant d’une voix gutturale : « Qu’est-ce que tu fais à ces poissons, gamins ? Tu veux que je te sale et te découpe au couteau ? »

« Qu’est-ce que tu fais à ces poissons, gamins ? Tu veux que je te sale et te découpe au couteau ? »
Quand une grosse main d'homme se posa sur son épaule, le blondinet sursauta, fit un bond sur le côté pour  se dégager et regarder son agresseur. La voix gutturale qui l'avait menacé venait de ce drôle de bonhomme aux cheveux oranges et longs. Kanou avait baissé sa garde, et cela se retourna contre lui.
L'homme hirsute avait l'air sérieux, et cela terrorisa d'autant plus l'enfant. Il ne devait pas laisser ce fou s'approcher de lui. Il le regarda le plus méchamment possible pour l’intimider, mais était prêt à détaler au moindre mouvement de sa part.

D'un autre côté, il y avait ces poissons. Il devait les protéger de ce barbare.
Quand son cœur se calma un peu, il put commencer à réfléchir. Et il compris enfin la première phrase du monsieur. Se pouvait-il... qu'il s'inquiétait juste pour eux ?
« Je leur ai rien fait ! T'es qui pour eux d'abord ? Si t'es inquiet, pourquoi quand tu les as vu tu les as laissé ici, c'est dangereux ! »
Enfin dangereux... avec le monde qui passe par ici pas tellement finalement. Mais bon, une bête aurait pu passer et les bouffer. Y a pas que les humains qui sont dangereux pour les poissons rouges après tout.

Le petit être ressemblait à un gnome, surtout avec son air méchant qui lui fronçait un peu les nez. Son appendice ne présentait cependant pas la forme de cucurbitacée caractéristique de cet espèce ; bien que Schrödinger n'en ait jamais vu. Il pouvait s'agir d'un jeune gnome dont le nez n'avait pas encore été déformé par moult batailles et par l'alcool. Sa voix n'était pas aussi rocailleuse que celle qu'il pensait être celle des gnomes.

Qui était-il ? Le possesseur des poissons, tout simplement. Pourquoi les avaient-ils laissé là ? POUR Faire du toboggan, tout simplement. Mais de répondre, le roux s'approcha du bocal, collant son visage à la vitre qui n'aurait rien perdue à être un peu nettoyée. Il distingua Armand, qui paraissait aussi joyeux que d'habitude et Willie aussi déprimé qu'à la normale. Les autres nageaient normalement, comme si aucun gnome n'avait jamais tenté de les saler et de les couper.
« Je suis Schrödinger, brillant physicien qui cherche un chat. Et je laisse ses poissons seuls parce que je supposais que les exilés étaient trop occupés dans les landes pour kidnapper des poissons dans des parcs. Mais tu es qui toi? Un de ces rebelles qui enrôlent des pauvres petits poissons pour qu'ils aillent attaquer de pauvres landois... landais ? Calcifériens?Euh... Landesdecalciférois ? »
Il oublia quelques temps le petit gnome en réfléchissant au nom que pouvait porter les habitants des Landes.

Le grand bonhomme ne pris même pas la peine de lui répondre, et colla son nez contre le verre. Kanou se demanda s'il devait intervenir. Mais malgrè son air suspect, il n'avait pas l'air de leur vouloir du mal. Enfin, il se décida à parler. Commençant par se présenter, puis répondant enfin aux questions de l'enfant. Des tonnes de questions se bousculèrent dans son esprit : qu'est-ce qu'un physicien ? Un chat de quel genre ? Pour lui faire subir quoi le pauvre ? Comment quelqu'un pouvait-il imaginer envoyé des pauvres petits poissons à la guerre ? Il avait vraiment l'esprit tordu ! C'est vrai ça, comment on dit pour les habitants des landes ? Et les autres royaumes aussi ? Yubabien ? Ventois ?

Mais il décida de se concentrer sur les poissons :

« C'est pas une raison ! Y a des tas de bêtes dans le coin qui rêvent de manger des proies aussi faciles, crétin d'oiseau ! Et puis d'abord, je ferais jamais un truc aussi horrible à des poissons ! C'est toi le dégénéré pour penser qu'on puisse faire une chose pareil ! En plus j'suis même pas un rebelle, et c'est toi le plus louche entre nous ! Surtout un phycicien comme toi ! »

Oui, il s'était trompé dans la prononciation du mot. Il ne savait absolument pas ce que ça voulait dire, mais il était sûr que c'était le genre d'activité suspecte et cruelle et stupide que seul quelqu'un comme le roux pouvait avoir.  Il parlait beaucoup d'ailleurs, signe qu'il lui tapait sur le système, mais en même temps qu'il n'avait plus assez peur de lui pour fuir sans demander son reste.

Schrödinger fut ravi que le petit gnome ne se rende pas compte de son erreur de prononciation et le corrige inconsciemment. On disait donc "phycicien" et non "physicien". Voilà qui allait lui être utile dans le futur. Il avait toujours eu une prononciation bancale, vestige de son cheveux sur la langue bambin, de son balbutiement enfant, et de la quantité important de postillons qui sortaient de sa bouche alors qu'il était adolescent.
"Un phycicien n'est pas louche mon petit, au contraire. Un phycicien est tout ce qu'il y a de respectable. Un phycicien, c'est trop bien. Les phyciciens ne sont pas des oiseaux, à de rares exceptions près dont je n'ai pas la connaissance." Il s'applicait à répéter le mot en insistant sur la seconde syllabe, honteux de sa prononciation déficiente. Il allait continuer lorsqu'il se dit que cela risquait d'être suspect et se tut quelques instants pour réfléchir. Quel garçon violent face à lui! Cela lui rappelait bien le comportement des trolls.
"Tu n'es pas non plus un rebelle? Tu ne veux pas venir avec moi alors? Pour monter un groupe de folk-k-pop avec des accents de rap qui parlerait de la paix dans le monde et de ô combien c'est trop kiffant?" Il ponctua sa question d'un petit mouvement de main qu'il pensait être typiquement métalleux. Il espérait calmer le petit troll ainsi. C'était tout à fait logique: tout le monde sait que la musique adoucit les moeurs, et que le gamin se montrerait plus conciliant ensuite. De plus, tous les enfants aujourd'hui aimaient le rap, c'était bien connu. A vrai dire, Schrödinger préférait le folk mais comptait faire adhérer des musiciens en évoquant d'autres genres de musiques populaires.

Pourquoi il insistait sur la deuxième syllabe comme ça ? Ça faisait pas naturel du tout. Pas louche ? Son œil, y avait qu'à le regarder. Kanou n'était pas sûr de la signification exacte de respectable, mais il était sûr que le chevelu ne l'était pas.
Quoi ! Un phycicien pouvait donc être un oiseau ? Mais qu'était donc un phycicien ? Il pouvait pas posé la question maintenant alors qu'il avait fait croire qu'il savait.

Un groupe de ...quoi ? Qu'est-ce que c'était que ce truc encore ? F-folkeupap ? Rap ? Kiphent ?
Oui, adulte est une insulte ici, ainsi que phycicien, même si en son fort intérieur il s'excuse pour les oiseaux phyciciens qui sont sûrement beaucoup mieux que les humain phycicien.

En plus, parler de la paix, c'est pas vraiment quelque chose qu'il sait faire, même si il préfère la paix à la guerre maintenant qu'il sait ce que c'est la guerre.

[vraiment désolé pour le retard!! ]

Les enfants d'aujourd'hui étaient incapables d'apprécier la nouveauté. Quelle étroitesse d'esprit, déjà si jeune! En grandissant, les murs de son esprit se rapprocheraient encore, ne laissant qu'une toute petite place à la fantaisie, qui serait compressée dans son crâne comme un ersatz d'Indiana Jones dans un temple perdu plein de pièges. Schrödinger fronça les sourcils en entendant les insultes peu élaborées du troll. Il se prenait pour qui? Bon, il était évident qu'il s'agissait d'un enfant hargneux comme un canicue dont la permanente lui bouchait la vue. Pour l'apprivoiser, Schrödinger décida de tenter l'humour. "Je ne suis pas louche, je suis  cuillère." Il eut du mal à garder son sérieux. Raconter une blague était une épreuve terrible puisque cela exigeait de ne pas laisser s'échapper le moindre rire, ni le moindre sourire.

Ignorant la réaction du garçon, si il y en eut une, Schrödinger ramassa nonchalemment son sac. Il saisit alors le garçon sous les aisselles et le mit sur ses épaules avant de lui confier le bocal. "Le folk-k-pop rap n'existe pas? On va aller à mon campement et je vais te montrer mes partitions. Tu verras bien si ça n'existe pas." Il ignorait à quelle distance il avait installé sa tente branlante et son matelas mité, mais se souvenait avoir semé de petits cailloux pour retrouver son chemin. "Et ne lâche surtout pas le bocal. Enguerrand a le vertige, fais attention" Et il se mit en route.

HRP:

Kanou buga quelques secondes. Cuillère.. ? De quoi ? L'individu avait l'air d'avoir du mal à garder son sérieux... Venait-il de faire une blague ? Oulà ! Depuis combien de temps Kanou n'avait-il pas entendu de blague, je ne saurais le dire, mais c'était presque une autre vie.

Au moment où il compris enfin le rapport entre une louche et une cuillère, deux bras forts l'attrapèrent. Un frisson parcouru tout son corps et il voulu crier, mais un bocal lui atterrit dans les mains.
Il se figea tout raide. Un dilemme se présenta à lui : soit il se débattait, risquant de blesser les poissons, soit il se laisser faire.

Apparemment le phycicien voulait lui prouver qu'il ne racontait pas n'importe quoi. Il avait l'air sincère, Kanou pris sa décision. Sûrement la sûreté de ces êtres valait bien la sienne. Il tint fermement le bocal entre ses bras pour qu'il ne se vide pas de son eau à cause des tremblement de son corps. Comme une feuille, gorge nouée, sa voix enrayée sortit les sons comme elle put :
Presque inaudible, le roux n'avait pas dut entendre. Mais il devait bien se rendre compte que quelque chose n'allait pas.

"Ok." Schrödinger en avait assez de sentir le petit garçon asticot se plaindre sur ses épaules. Il prit le bocal de poissons entre ses mains avant de se mettre à genoux pour le laisser descendre. Il ne supportait pas les enfants incapables de supporter la sublime vu qu'offrait les épaules d'un adulte.
Quand ce fut fait, il se releva, regarda si Enguerrand ne se sentait pas trop mal, et se remit à marcher à grande enjambées, très vite. Il n'avait pas le temps de s'attarder, il lui semblait qu'Enguerrand avait été victime du vertige, il paraissait plus vert que d'habitude. Plus le poisson verdissait, plus le roux devenait inquiet et il se mit bientôt à courir, espérant que les secousses ne rendait pas le malade plus mal qu'il n'était déjà. Il ne pensait plus qu'au beau sable doré qu'il avait trouvé dans le désert. En mettre dans le bocal soignerait sûrement le poisson. Et pour le récupérer, il fallait retrouver dans le fatras de sa tente, le petit flacon.