C’était le bordel. Un capharnaüm monstrueux qui dépassait Eraser.

Il n’avait pas l’habitude de se prendre la tête, ses pires problèmes étaient souvent amoureux et ils se réglaient en un baiser furtif. Mais ceux-là, ah! Ceux-là lui donnaient d’horribles maux de tête et son ventre était noué depuis quelques jours. Depuis que ça avait commencé en fait.

Ce qui s’était produit dans les Landes lui avait fait l’effet d’un ras de marré. Qu’il s’en soit fait exiler ou pas, les Landes restaient toujours son chez lui. D’ordinaire, il était un peu au-dessus des problèmes d’ordre populaire, ce qui arrivait ici et là ne lui faisait ni chaud ni froid. La seule fois où il avait tenté d’aider la populace, on l’avait déporté pour fausses accusations. Ça l’avait un peu refroidi. Mais là, ohlala, de voir ses belles Landes saccagées lui pinçait le cœur.

Si bien que lorsque ce fut le tour de la Cité d’avoir des problèmes, il s’éclipsa du Palais des Bains. Sans un regard, sans un mot, il avait dévalé la falaise à grand pas et s’était engouffré dans son bateau qui l’attendait sagement dans l’eau agitée. Il avait frotté son visage et avait passé une main dans ses cheveux, un peu nerveux. Ce qui lui restait de monde venait de partir en poussière et le sol sous ses pieds était aussi solide que la mer sous son bateau. Il perdait pied.

Sauf qu'Eraser avait trouvé du bon au saccage des Landes. Si cet enchainement d'événement ne s'était pas fait dans le bon ordre, jamais il n'aurait pu reposer le pied en territoire de Calcifer.

Mais voilà qu’il s’y tenait fièrement, les deux pieds à terre. Plus de Gouvernement, plus de loi, plus de sens, plus d'exil! Il était à nouveau chez lui et personne n'avait le droit de venir le chasser désormais. Eraser aurait certes voulu revenir par la grande porte et se voir restituer sa nationalité, mais il ne se serait pas privé du pays des bleus par soucis de conformité.

Et dire que le vent des plaines ne lui avait jamais fait autant de bien.

Les plaines des Landes sont probablement l'endroit le plus calme que tu connaisses. Et c'est d'ailleurs pour ça que tu les apprécie, surtout en ces temps de conflits. Tu pourrais bien être ailleurs, à l'heure actuelle, mais pour conserver ton mental d'acier et ta sérénité naturelle, il te faut t'isoler. Et quoi de mieux pour cela que les grandes plaines ? Te voila assis, en tailleur, les yeux fermés. Emprisonné dans ton armure, pour toujours, tes mains se rejoignant au niveau de tes tibias.

Tout ça pour ça. Être au calme. Ne pas devoir s'activer tout le temps. Pouvoir se reposer. Des choses qui pourraient sembler bêtes et simples, mais qui sont pourtant des accomplissements. Tandis qu'Isaac décide de comment il compte mener les landes à leur victoire, toi, tu sais que tu n'as rien à faire. Tu n'as pas bronché lorsqu'il t'a donné l'ordre de sortir. Tu n'a aucun intérêt à le contredire, et même si ta lame ne pourrait pas être arrêtée par sa trachée, les landes ne s'en porteraient pas mieux.

Le vent continuait de souffler. Comme à son habitude, d'ailleurs. Cependant, rien ne t'empêcherait de repérer les inconnus. Et, ça tombe bien, quelque chose venait troubler ta tranquillité. Pas question de bouger, au départ. Alors tu envoies une ombre vers le point à l'horizon. Et tu restes la, à méditer. Elle se faufile, fouine, et atteint finalement sa cible. Un humain. Tu l'as déjà croisé à Calcifer, il y a bien longtemps. Quelques mois, tout au plus. Tu sais qu'il ne doit pas mettre les pieds ici. En tout cas, il ne devait pas, quand Black était la. Du coup, autant aller voir soit même ce qu'il veut. Tu échanges ta place avec l'ombre, te retrouvant quelques mètres derrière l'homme. Tu ne sors pas tes lames, il n'est pas le genre à vouloir se battre.

Qu'est-ce que tu fais la? 

On l'avait repéré plus rapidement qu'il ne l'aurait pensé. Il n'avait même pas commencer a apprécier convenablement son retour qu'il se retrouvait sous les spotlights accusateurs d'il ne savait quel chieur. Eraser n'avait rien demander, il ne voulait embêter personne. Il aurait bien accompagné son haussement d'épaule d'un regard désobligeant si la personne qui lui avait parlé n'avait pas eu l'air de sortir d'un film de mecha-samurai. Ce n'était clairement pas le jour de chance d'Eraser et il regretta un moment de ne pas être resté a l'étang fleuri un peu plus longtemps auprès de son bateau.

À dire vrai, Eraser n'aimait pas particulièrement les surprises. Bon d'accord, retrouver deux filles dans son lit le lendemain de la veille c'était une sympathique surprise, mais d'avoir un comité d'accueil pour les Landes composé de Goldorak et seulement Goldorak, ça le laissait un peu plus froid. C'était quoi ce délire? Il avait déclenché l'alerte en posant les pieds sur la plaine et tout de suite ils avaient envoyé une montagne pour lui maraver la gueule? Ça le blasait un peu. Si bien qu'il avait figé de perplexité - Eraser le tomber, avoir peur? Mais quelle idée - la bouche ouverte comme un poisson frit. Il ne savait pas quoi répondre a cette question; qu'est ce qu'il faisait là? "Alors ouai mec j'ai decidé de revenir parce que le gouvernement est tombé et que les filles des Landes me manquent. " Ça le faisait pas trop et il se voyait mal déconner avec un colosse pareil. Il se gratta l'arrière de la tête, levant ensuite les yeux vers l'homme en armure.

∆ J'te mentirai pas, avec c'qui s'passe ici j'ai décidé d'en profiter pour r'venir et puis comme "ma" Reine s'est barrée aussi j'suis techniquement un exilé alors euh...

Eraser se sentait comme un enfant prit en train de faire une bêtise et qui essaie de s'expliquer maladroitement. Il n'était pas doué pour les analogies et d'expliquer pourquoi il était revenu à un chevalier-samurai-whateverwhat qui lui avait JUSTE demandé ce qu'il foutait là venait de lui griller ses neurones restant. Il ne savait même pas pourquoi il lui racontait sa vie, il avait probablement trop pensé aux explications foireuses qu'il devrait donner si on le questionnait pour de vrai. Eraser était un gros débile.

∆ En fait j'sais même pas pourquoi j'te 'conte tout ça. J'veux juste retrouver mon chez moi, c'problématique?

C'était très probable, qu'il tenterait de négocier. Ou du moins d'essayer de passer tout de même. Tu profites des ombres pour repasser devant lui, et tu tend ta lame, dépliée, vers sa gorge. Pas pour le frapper, non. Pour le menacer. Montrer qui applique la loi, ici. Montrer qu'il n'a pas à te manquer de respect.

Ce n'est plus ton chez toi. Depuis que Black a décidé que tu ne serais plus un citoyen des Landes.

Tu t'étais dis que tu ne sortirais pas ta lame, d'ailleurs. Mais finalement, tu sens que pour ce genre de jeune chieur qui se croit tout permis, un peu d'exemple visuel, c'est pas mal. Lui montrer que tu plaisantes pas. Qu'il n'est vraiment plus le bienvenue ici, et ça, grâce à Black.

Tu es celui qui a essayé de faire accuser un citoyen pour un meurtre qu'il n'a pas commis. Je le sais, j'étais la lorsque notre ancien président a décidé de te mettre à la porte. J'aurais même été celui qui t'aurais conduit à la frontière si je n'avais pas eu des choses plus importantes à faire.

Parler, d'habitude, ce n'est pas ton genre. Mais il faut toujours expliquer aux gens ce qui ne va pas. C'est comme avec les enfants ou les animaux. Si on vire la personne sans lui expliquer, elle reviendra. Parce qu'elle n'aura rien compris et qu'elle trouvera que c'est injuste. Mais encore une fois, la loi est juste, et tout ce que tu fais c'est appliquer la loi.

Qui me dit que tu ne viens pas pour essayer de voler, piller et tuer?

Eraser ne captait pas trop le délire dans lequel il se trouvait. C’était un illuminé ce mec? Déjà pour se promener en armure tranquille comme ça, il devait lui manquer quelques neurones. Mais voilà qu’en plus il le menaçait d’une arme? Ça partait gravement en couille. Eraser fronçait les sourcils, il ne savait pas trop s’il avait plus peur qu’il n’était en pétard contre cet hurluberlu qui venait l’embêter. Son pays était tombé, alors au diable ce qu’avait pu dire le président!

Mais la lame sous sa gorge le forçait à faire plus attention à ses propos, et puis mine de rien il était pas mal imposant et stressant ce mec. Eraser n’aurait jamais avoué qu’il avait peur de lui, mais la boule qui se formait dans son ventre disait le contraire. Il sentit une goutte de sueur couler le long de sa nuque et il ferma ses yeux.

∆ Si j’avais voulu voler et piller, je s’rais resté au Palais des Bains, crois-moi! J’suis pas ici pour l’argent ni pour faire du mal aux autres, mais bien parce qu’j’aime les Landes…

Il déglutit. Eraser avait parlé vite. Il n’aimait pas trop qu’on le menace et à son sens, il n’y avait aucune raison qu’on l’embête parce qu’il était revenu. Ce n’était pas comme si il avait voulu se venger des Landes, il les aimait beaucoup trop pour ça. Il ouvrit un seul œil, voulant voir si ce qu’il allait dire allait avoir un quelconque impact sur l’homme en armure.

∆ Et puis sinon, ça fait d’moi un exilé et de ce que j’ai compris, ils ont pris le pouvoir, alors je suis ‘’techniquement’’ en droit d’être ici… Remarques ça me plait pas d’être considéré comme un exilé et pour moi je suis toujours des Landes, mais si on suit ton raisonnement c’est ce que je suis. Et malheureusement c’est pas en maravant un pauvre mec comme moi qui veut l’bien des Landes que ça va aider, s’tu veux mon avis. J’suis pas ici pour tout détruite. J’aime cet endroit et si c’était pas le cas, j’serais pas revenu alors que tout le monde fuit vers la Vallée.

Tant qu’il épargnait son visage.

Il parlait plus vite. Plus vite qu'avant, du moins. Tu pouvais sentir du bout de ta lame qu'il essayait juste de se débarrasser de toi. Malheureusement, les lois sont les lois, et peu importe ce qu'il dira, il ne franchira pas les frontières. Les ordres sont les ordres, et peu importe sa défense, il ne passerait pas. Après tout, tu as été en poste aux frontières, pendant que celles-ci étaient fermées, et dieu sait que tu en a arrêté, des délinquants en puissance.

Ton chez toi, c'est plus ici. J'ai eu pour ordre de ne pas te laisser rentrer, alors si je dois te tuer pour jeter ton cadavre à la mer, je le ferais. Reprend ton bateau et rentre dans ton désert, l'exilé.

C'était forcément un piège. Justement, tout le monde retournait dans la Vallée, et comme par hasard, lui, le condamné, revenait ? Pas question. Il n'avait plus rien à faire sur les terres des Landes. Tu ranges ta lame dans son fourreau, et tu pointes du doigt la sortie.

Je ne te raccompagne pas, le traître.