Cela doit maintenant faire cinq ans... Le temps passe si vite que je n'ai pu me rendre compte de certaines choses. Je n'ai pas eu le temps de visiter certains lieux, par exemple. Je ne pense pas avoir suffisamment profité du pays dans lequel je vis. C'est un beau pays où règnent des étendues vertes, de magnifiques châteaux, et je ne sais quoi d'autre. Je connait si peu ces lieux que j'ai l'impression de découvrir quelque chose à chaque pas. Je ne dis pas que je ne sors jamais, non, c'est juste que je n'ai jamais pris le temps de faire une petite marche. Une marche d'une journée, un petit voyage, le temps de prendre l'air. Non, je n'en ai jamais profité. C'est pourquoi je me retrouve aujourd'hui au milieu des plaines, à faire un footing... Bonne idée ? Je ne sais pas... j'en doute.

Tenue de sport, rouge et noire, chaussures de sport bien serrées, me voilà courant sur ces belles étendues. Le vent souffle et je peine à avancer. Malgré cela je continue de luter, une bonne séance sportive ne peut que me faire du bien. Par moment mes pieds glissent sur la terre, comme si elle avait été retournée il y a peu. Peut-être que quelqu'un y a planté un arbre ? Ou des plantes ? Ce n'est pas très important, après tout les plaines sont connues pour n'être recouvertes que d'herbes.
L'endroit est désert, personne n'est présent pour m'emmerder, parfait pour une petite sieste, mon footing reprendra du service plus tard.

C'est donc après quarante-cinq bonnes minutes de courses que je m'arrête, haletant. Je me redresse alors et entame quelques étirements. C'est alors qu'en tournant la tête, je vois au loin une personne, un fou, un psychopathe ou je ne sais quelle merde d'autre. Un insecte venant me faire chier dans ma journée de paix. Je l'observe quelques secondes puis annule ma sieste, peut-être que si je me met à marcher paisiblement, il me passera à côté et continuera sa route, car je n'ai pas de temps à perdre avec cette personne. Me voilà donc dos à lui, marchant tranquillement, observant le ciel, ces beaux nuages, et profitant de ces agréables brises.

Mes estimations furent fausses … en effet, mon poursuivant devait passer à côté de moi comme s'il ne m'avait pas vu, mais il se retrouva face à moi. Il devait aussi laisser le lieu dans un silence paisible ou seul le vent me susurre des mots doux, il se mit à crier. Et il ne devait surtout pas me demander quoi que ce soit, au lieu de ca, il m'ordonna de planter des plantes … Pour qui me prend-il ? Un jardinier ? Je n'ai jamais planté de plantes, et j'ai pas l'intention d'en planter une seule dans les semaines à venir. Seulement...

Goyave ▬ « Hey, toi ! Tu va pas t'enfuir comme ça ! Tu m'a tué mes roses, et désormais tu va devoir m'aider à en planter d'autres ! T'as compris ?  »

La colère de cet homme à l'oeil bizarrement bandé, était bien visible sur son visage. Elle était presque écrite sur son front. Je le regarde, passivement, écoutant son discours, restant calme. Après sa petite crise, laissant un petit temps de répits. Quelques longues secondes où seul le vent se plains de nos cris. Le fixant toujours droit dans l'œil, j'entre-ouvre alors mes lèvres, laissant échapper un simple, froid et sec;

Noctis ▬ « Je refuse de t'aider. »

Mon visage toujours aussi vide d'expression montre un calme presque glauque face à la colère du roux. Et c'est dans ce calme que j'attendais une réaction, espérant au plus profond de moi qu'il s'écarte simplement de mon chemin et qu'il s'en aille sans rien dire. Bien qu'il n'y ait aucune chance qu'il le fasse ...

Malgré mon refus, l'homme en face de moi ne semble pas vouloir abandonné. Au contraire, l'air plus remonté qu'avant, il me fixe, droit dans les yeux. Enlevant son bandeau, il dévoile un œil complètement dilaté, lui donnant un air quelque peu effrayant. Il se concentre, me fixant toujours plus profondément dans les yeux. Il finit par lâcher une phrase, que je n'écoutais qu'à moitié, voyant les yeux du garçon devenir entièrement noir.

Goyave ▬ « Aide moi à replanter ces roses et fleurir une parcelle de ce terrain, d'acc' ? »

C'est ce qu'il m'a dit, je crois. Je n'y faisais pas vraiment attention, je ne sais pourquoi, quelque chose me poussait à fixer ses yeux, sans broncher, ils étaient... étrange, c'est pas habituel de voir une telle chose. Ce garçon avait l'air si … frêle et dénué d'autorité à mes yeux. Pourtant voilà qu'il me donne des ordres, que je n'ai pas envie de refuser. Je pourrais simplement m'enfuir par le biais de mes dons, mais... non, je ne vois pas pourquoi. Peut-être est-ce de la sympathie... Quoi qu'il en soit, je finit par fermer les yeux, esquisser un sourire en abandonnant toute forme de rébellion.
Lâchant un petit soupire, je lui répond enfin.

Noctis ▬ « Je crois que je n'ai plus le choix... Je vais t'aider, mais ne crois pas pour autant que cela me plait.»

Entre temps, le garçon avait remis sont cache œil, respirant fort; il semblait fatigué. Ses yeux étaient revenus à la normale et je pouvais enfin me détacher de son regard. Que venait-il d'arriver, c'était si... étrange.

Retour à la normale, ambiance calme sur cette plaine, la tension est enfin redescendue. Le jeune roux a l'air surpris. Je ne comprend pas vraiment ce qu'il y a de surprenant mais soit. Je lâche un soupir, ferme les yeux quelques instants, que m'arrive-t-il. J'ai du mal à comprendre ce qu'il se passe, pourquoi ais-je accepté d'aider ce jeune homme... Quoi qu'il en soit, je ne vais pas revenir sur mes dires.

Goyave ▬  " Mais dis-moi, comment tu t'appelle ? Et tu viens d'où ? "

Hein ? Comment ca... Ah, il me demande mon nom. Fiou... je suis perdu, sincèrement. Et le voilà qui se retourne, et marche d'un pas rapide vers une brouette à une dizaine de mètres d'ici. Je le suis du même pas décidé. Intrigué.

Noctis ▬ « Euh, Hei Shen.... Appelles moi Noctis. Et à vrai dire, je ne peux pas venir de beaucoup d'endroits, les frontières sont fermées. »

Et nous voilà repartis dans l'autre sens, ça l'amuse tant que ca, les trajets inutiles, pourquoi pars-t-on dans tous les sens. Enfin, quoi qu'il en soit, nous sommes en plein milieu de ces plaines, le vent caresse doucement mes cheveux humides. Je passe ma main dans mes cheveux, ils me viennent dans les yeux, et... j'y vois déjà un peu plus clair. Le garçon me tend une pelle, tss, quelle plaie, j'ai pas que ca à foutre. J'aimerais reprendre mon footing, et me barrer d'ici, mais je ne peux pas le laisser en plan ici. Alors je l'écoute, et suis ses conseils.
Je n'ai jamais fais de jardinage, non, de toute ma vie. Jamais. C'est bien la première fois que je me retrouve une pelle à la main, à retourner la terre pour y planter des graines, ou même des plantes. Ce sac rempli d'engrais, il me dit quelque chose... N'étais-ce pas ma mère qui... Pff, je n'en ai que faire, le passé n'a pas sa place dans le présent.
Alors que j'attrapais un pot où une fleur trônait, prêt à la retirer de son socle, pour la placer en liberté dans cette terre des plaines, je vis le garçon s'écrouler. Laissant échapper un cri. Je m'approche doucement de lui, l'observant.

Une main sur l'oeil, l'autre appuyée au sol, il semble souffrir. Je devrais l'aider, comme mon père le faisait. Que faisait-il d'ailleurs... ah oui, médecin. Eh, que m'arrive-t-il, j'y repense encore, à ce passé que j'ai préféré oublier. Soit, passons, oublions de nouveau, revenons aux problèmes du garçon. J'attrape son poignet et l'enlève de devant son œil.

Noctis ▬ « Vire ta main de là... »

Sa pupille est complètement dilaté, alors qu'il fait grand soleil. On ne manque pas de lumière et pourtant, il en demande autant. Qu'est-ce que cet imbécile a bien pu foutre. Ah oui, son bandage, c'est malin tiens... Je repose sa main sur son œil. Réfléchis, réfléchis... pff, y'a pas moyen, il faut attendre. Cet imbécile va être obligé de garder son bandage.

Noctis ▬ « Quel crétin, arrête de beugler, ca va passer, remet ton bandage. Ne l'enlève que lorsqu'il fait nuit noir. Tu vas te foutre l'œil en l'air si tu recommence tes conneries. »

Le voilà pensif, quelques instants. Il regarde dans le vide, de son seul œil, des souvenirs lui revinrent peut-être ? Que sais-je, je ne le connais même pas. Mais il finit par relever la tête et à me remercier, en grommelant. Je ne peux échapper un soupir alors qu'il prononce mon nom. Pourquoi ne puis-je m'habituer à mon nouveau surnom, bientôt ma couverture sera complètement foutue. Si l'on apprend que je suis Hei, je me retrouverais dans de sales draps. Lynché sur une place publique par toutes les personnes que j'ai espionné... D'ailleurs... je songe à changer de boulot, qu'est-ce qui me retient encore sur ça, j'peux proposer mes services à d'autres gens, comme la royauté ou je sais pas... bref, la question n'est pas là, je m'égare. Me voilà maintenant comme le garçon, tout à l'heure, à regarder dans le vide d'un air pensif.

Goyave ▬ « Au fait, tu t'en fiche sûrement, mais j'ai décidé de me faire appeler Goyave, mais ça serait vraiment irrespectueux envers toi, alors appelle moi Lavi. Bon, cette partie est bien assez fleurie, allons par là-bas, il nous faut des fruits... »

Je vois, c'est donc son nom, Lavi, et Goyave est son surnom... Je ne sais pas si ça me sera d'une utilité un jour, mais je le sais, maintenant. Je ne dis point un mot, reste dans le silence, à l'observer se redresser et partir dans une autre direction, sa brouette au bout des bras. Je ne sais maintenant plus ce qui m'empêche de partir, je perd complètement mon temps ici. Je me sens enfin libéré de ces ... chaines mentales qui me retenaient. Je pourrais partir, sans dire un mot, disparaitre dans une ombre, me volatiliser comme j'en suis si bien capable. Mais après tout, ce garçon semble avoir besoin d'aide. Et mon objectif est de me sociabiliser, alors je ne vais pas arrêter maintenant. Je le suis, jusqu'à notre prochain lieu de plantation.

Noctis ▬ « Cela fait longtemps que tu entretiens des lieux comme celui-ci ?»